Cinquante francs le gramme: le safran est plus cher que de l’or brut en barres. Mais l’utilisation est inversement proportionnelle: «Quelques stigmates suffisent à préparer une bonne quantité de glace, explique Rafael Rodriguez, chef de l’Auberge de l’Abbaye de Montheron (16/20). Nous en concoctons régulièrement et c’est une saveur qui plaît beaucoup.» Soit, mais qu’est-ce qui rend le safran si cher? «Outre la légèreté générale du produit, c’est la récolte qui est longue et très précise, précise Jean-Daniel Cavin, au Safran du Jorat à Vulliens. Durant tout le mois d’octobre, je passe chaque matin cueillir les fleurs mûres encore fermées, puis je les émonde avant de sécher les stigmates une vingtaine de minutes à 50°C. Dernière étape, les placer en pots hermétiques afin que le safran fasse ses arômes un mois au minimum.»
Pistils, stigmates, késako? Petite leçon de mathématiques: chaque bulbe de safran donne d’une à huit fleurs, qui elles-mêmes portent un pistil chacune, donc trois stigmates. Sachant qu’il faut environ 170 fleurs pour faire 1 gramme, ce ne sont pas loin de 510 stigmates – coupés individuellement – qui constituent
1 gramme. En 2019, Jean-Daniel en a cueilli 100 grammes. C’est donc la quantité de stigmates, associée à un travail précis, qui justifie le prix élevé. Labellisé Demeter (biodynamie) depuis janvier 2020, le cultivateur de Crocus sativus fait appel à des canards, des oies et des dindes pour manger les limaces ou autres ennemis du safran. «Ça fonctionne vraiment bien, se réjouit-il, et en plus, ils broutent l’herbe en trop.»
A Montheron, Rafael Rodriguez a décidé d’utiliser l’or jaune de Jean-Daniel uniquement en dessert. «Le safran est très subtil, précise-t-il, et son goût serait masqué par des ingrédients plus forts que l’on utilise facilement en plats salés. En douce crème, sa saveur ressort vraiment bien!» La seule exception salée réside dans les baos que Rafael aime préparer en partant d’une base de cuchaule...