Renouveau. Douze ans, à l'échelle d'un restaurant, c'est long. Douze ans que Eat Me vivait sa vie à Lausanne, six à Genève, avec un concept devenu son slogan, «the world on small plates», soit de petites assiettes à partager en voyageant autour du monde. Mi-novembre, les deux enseignes ont fait peau neuve, avec de nouvelles cartes. Pour quel résultat? Je suis allé dans l'adresse lausannoise pour le constater. (Grande image ci-dessus: les Barcelona Bites, croquettes de jambon ibérique et fromage frais, avocat, pickles de piments padron, tranche de thon cru).
Électrique. À première vue, il n'y a guère de bouleversement. La philosophie demeure identique, les petites assiettes à partager sont toujours là, toujours classées par continent ou zone géographique. On les choisit comme on choisit des destinations de vacances. Les best-sellers sont, eux aussi, présents, tel l'electric «sashimiviche», plat signature de l'établissement, un étonnant sashimi de thon au pamplemousse, façon ceviche, à déguster en commençant par une fleur de sichuan qui déclenche une douce sensation d'électricité sur la langue. Alors, qu'est-ce qui a changé, au juste? C'est plutôt dans les détails que cela se passe.
Recentrage. La nouvelle carte suggère des plats plus lisibles, avec moins d'ingrédients et de préparations qu'auparavant. Au fil des années, les recettes étaient devenues de plus en plus complexes, un comble pour des petites assiettes, raconte la fondatrice et propriétaire des lieux, Serena Shamash. Eat Me s'est donc recentré sur l'essentiel: des recettes plus simples, avec des frontières géographiques moins strictes, pour une cuisine fusion. Et faite maison, bien sûr.
Moins, mais mieux. Cuit à la perfection, le poulpe grillé comme en Méditerranée, ici avec un gel au citron fermenté, s'acoquine avec un tikka massala afro-indien. L'effiloché de canard façon asiatique lorgne l'Amérique du Sud, et prend des airs de conchinita pibil avec un assaisonnement au piment aji panca aux bonnes notes fumées, mais aussi l'Italie, avec une polenta croustillante. Quant à la croquette de jambon ibérique, elle s'accompagne d'un peu d'avocat et d'une tranche de thon cru, dans un quasi-tour du globe. «C'est de la cuisine du monde, mais sans frontières. Moins de limites nous permet d'être plus créatifs», décrit Serena Shamash.
Ludique. Autre petite nouveauté, plusieurs plats ont droit à des finitions à l'assiette, pour ajouter un peu de spectacle, de même que certains cocktails. C'est le cas du ceviche de daurade, pour lequel le personnel amène une émulsion de pisco sour, délicatement déposée sur le poisson. Une assiette rafraîchissante, qui marie cuisine et mixologie. «Le chef et nos mixologues ont travaillé ensemble pour y parvenir», dit Serena Shamash. Même chose avec les pierogi, grosses ravioles de pommes de terre au fromage inspirées des souvenirs du chef Igor Bulanda, qui se régalait de ceux préparés par sa grand-mère polonaise. Ils arrivent avec un verre de bortsch, une soupe chaude de betterave ici revisitée avec de l'eau de betterave fermentée. Un plat ludique et très réconfortant, qu'on déguste avec délectation en regardant les flocons de neige tomber à l'extérieur.
Expérience. «Créer des émotions à table ne doit pas être réservé aux restaurants étoilés», éclaire la restauratrice, qui veut que son établissement reste accessible. Y compris pour les soupers tardifs, avec une cuisine ouverte jusque minuit les week-end, une heure où les seules options se résument souvent aux fast food. Avec cette nouvelle formule, Eat Me semble tenir son pari de simplification vertueuse. L'enseigne a certes enlevé des ingrédients de ses petites assiettes, mais elle est parvenue à ajouter quelque chose d'autre dedans: une véritable expérience de restaurant, moderne, excitante et surtout conviviale.
Eat Me
Rue Pépinet 3, Lausanne
021 311 76 59
Rue Zurlinden 6, Genève
022 736 19 97
Horaires:
Mardi et mercredi: 17h - 23h
Jeudi, vendredi: 11h45 -14h et 17h - 01h
Samedi: 12h30 - 14h30 et 17h - 01h