Texte: David Moginier Photos: Blaise Kormann
Recette originale. Les bonnes idées naissent toujours à l’apéro. Comme à un de ceux qui réunissent deux amis, le vigneron Raphaël Sordet et le brasseur Manu Bachelard. Le premier a rejoint le domaine familial des Combes, entre Begnins et Luins, à La Côte vaudoise, où il cultive 5,5 ha avec son père. Le second a fondé la brasserie Cap’taine Mousse à Nyon, qui produit 300'000 litres chaque année. En 2019, les voilà qui se disent que ce serait sympa de mélanger leurs deux savoir-faire. La Vière était née, une première en Suisse romande, voire en Suisse.
Recette discutée. «Nous avions envie d’un projet innovant qui assemble la buvabilité de la bière et le fruité du chasselas, explique Raphaël. En plus, c’était à un moment où le marché du vin en vrac n’allait pas très bien, c’était une autre manière d’écouler notre chasselas.» Pour y arriver, les deux garçons ont beaucoup discuté de la bonne recette. Il ne fallait pas que le malt ou le raisin dominent, éviter des fermentations spontanées indésirables, garantir le produit. «Nous étions un peu culottés sur le coup, raconte Manu. On n’a pas trop regardé ce qui se faisait dans les autres pays et on s’est lancés directement.»
Recette réalisée. Le premier millésime, 2000 litres, naît dans la foulée. Et la recette était la bonne. D’un côté, Raphaël vendange son chasselas un peu plus tôt pour garder de l’acidité et ne pas développer trop de sucre qui, fermenté, donnerait trop d’alcool à la boisson. Il le presse, clarifie le moût avant de livrer le jus à la brasserie où il accompagne le processus. Le moût passe ensuite en cuve de cuisson pour une légère pasteurisation. Refroidi, il rejoint le moût de bière pour une fermentation faite avec des levures de Pale Ale. «On y met très peu de houblon, qui amènerait trop d’amertume, explique Manu. Nous voulons une bière fruitée, sympa, légère.»
Recette gagnante. Le millésime 2021, 4000 litres, est pratiquement épuisé en attendant la vendange de cet automne. «Nous avons de la Vière de manière permanente… mais sans garantie jusqu’à la prochaine vendange», sourit le brasseur. Chez Cap’taine Mousse, il complète bien la gamme des bières, agrémentées d’une Fantaisie dont la recette change régulièrement et de quelques spécialités, comme un gin de bière, une bière de garde et une bière de sport.
Recette séduisante. «Nous avons souvent des groupes qui viennent visiter la brasserie avant une dégustation, raconte Manu. Il y a souvent une ou deux personnes qui n’aiment pas la bière. Une fois qu’ils dégustent la Vière, ils sont séduits.» Même constat chez Raphaël: «Après une dégustation au domaine, on finit souvent par une Vière, et ça passe bien.» Avec 35% de chasselas dans l’ensemble, la boisson privilégie le raisin. «En France ou en Italie où il y a aussi quelques assemblages de ce type, le raisin ne dépasse pas 10% ou 20% maximum.»