Grand, mince, fine moustache, coiffure tendance, à 27 ans le parisien Othmane Khoris est chef pâtissier de l’hôtel The Alpina Gstaad, un membre des Swiss Deluxe Hotels. Depuis lundi, il est également «Pâtissier de l’année», un titre qui lui a été décerné à l’occasion de la sortie du guide 2023 à Rougemont. Rencontre avec un talent prometteur.
Que signifie pour vous ce titre de «Pâtissier de l’année»?
Pour moi, ce prix représente énormément! A Paris, pendant ma formation, notre directeur nous a dit: «Un jour, certains d’entre vous recevront des distinctions, seront MOF (ndlr. Meilleur Ouvrier de France) ou obtiendront une étoile…» Et voilà, ça y est, je suis comblé. C’est un rêve d’enfant réalisé. Mais je sais que ce prix est aussi celui de mon chef et de toute mon équipe. Car on ne peut pas tout superviser à tout moment. Il faut pouvoir faire confiance à ceux qui nous entourent et j’ai cette chance.
Après cette reconnaissance, où vous imaginez-vous dans dix ans?
Ça, je ne le sais évidemment pas. Mais j’aimerais me présenter au concours de MOF dans cinq ans. Et plus tard, ouvrir une pâtisserie, en Suisse. Car j’aime ce pays et je m’y sens à la maison. Les gens sont adorables et travailler ici est un vrai plaisir.
Pourquoi avoir choisi la Suisse?
En fait, c’est suite au Covid que je suis venu! Depuis 2020, je travaillais à Dubaï, puis aux Îles Caïman. Mais avec la pandémie les hôtels ont fermé et je me suis retrouvé au sans emploi. C’est un ami qui m’a suggéré de venir ici, en me disant: «Il y a de beaux produits et des restaurants de haut niveau». Alors j’ai postulé. Et j’ai été pris.
Mais après votre première saison, vous envisagiez de repartir?
Oui, c’est en effet au moment où j’allais repartir en France après mon premier contrat saisonnier que j’ai vu que The Alpina Gstaad cherchait un chef pâtissier. Alors j’ai répondu. Et quarante minutes après mon courriel, chef Martin Göschel me proposait un rendez-vous pour le lendemain! Là, on s’est tout de suite entendus. Collaborer avec lui est un vrai plaisir et c’est très stimulant. Le panneau jaune de «Pâtissier de l’année» que je tien entre mes mains, c’est donc aussi à lui que je le dois.
Avant Martin Göschel, le chef exécutif de The Alpina Gstaad, quels sont les autres chefs qui vous ont inspirés?
J’ai eu l’occasion de travailler avec des chefs français et américains, notamment aux Îles Caïman. Ils m’ont ouvert de nouveaux horizons. Mais c’est Yannick Alléno qui m’a le plus impressionné et marqué: son savoir parler, son management dénué de stress et en même temps cette faculté de rester terre à terre font de lui un modèle. A mes yeux, c’est l’un des meilleurs chefs de la planète.
Et vous, comment avez-vous développé votre style?
Je cherche toujours à comprendre les clients et les produits du lieu où j’évolue. Puis je cible des apprêts qui répondent à ces critères. A Dubaï, je mettais plus de sucre, ici moins. Mais mes préparations sont toujours minimalistes et basées sur le zéro déchets: un exemple, le pamplemousse. J’utilise la chair, puis je garde la peau comme contenant pour le dessert. Et en fin de compte, elle est encore recyclée pour produire du biogaz.
Votre style très moderne répond à votre approche de la gastronomie, également très actuelle.
Je suis un homme de mon temps, une époque où la cuisine évolue. Elle continue à mettre le goût au centre, mais la présentation et le service sont également très importants. Avec leurs portables, les clients filment et photographient, puis ces images font que d’autres viennent à leur tour goûter nos créations. C’est devenu central. Puis, pendant les six mois de fermeture de l’hôtel, je me consacre à divers projets.
Quel type de projet?
Là, je suis en lien avec un musicien célèbre qui cherchait un pâtissier pour créer un dessert en lien avec ses œuvres. Et puis, je m’intéresse à tout. A la pâtisserie et à la cuisine en général. D'ailleurs je partage les créations des autres sur les réseaux sociaux.
En fait, comment vous est venue cette passion et l’envie de devenir pâtissier?
Mon père était expat, donc amené à beaucoup voyager. Enfant, ça m’a amené à découvrir des cuisines de nombreux pays. De plus, ma grand-mère avait une boulangerie et mon père était pâtissier. Comme nos parents travaillaient tous les deux, je faisais souvent à manger pour mon petit frère et ma sœur. Et pour ça, je cherchais des recettes sur internet ou dans des livres. C’est comme ça que tout a commencé.