Le GaultMillau 2020 est sorti. Quelle est votre plus grande joie?
La distinction de Tanja Grandits! Quand j’ai accepté, il y a des années, ce poste aux commandes de GaultMillau, nous étions «entre hommes», un vrai club de machos! Et maintenant, une première femme obtient 19 points. Pour moi, en tant qu’éditeur, c’est un grand moment.
Est-ce que les femmes sont avantagées?
La question ne se pose pas! Chez GaultMillau, il n’y a pas d’alibi féminin. Nous cherchons simplement à trouver, à promouvoir et à récompenser les meilleurs chefs, hommes ou femmes. Il y a des années, j’ai découvert Tanja dans une petite auberge de la campagne thurgovienne. Puis nous avons suivi son évolution et, quand elle s’est installée à Bâle, j’ai croisé les doigts. Au Stucki, elle a démontré qu’elle est une femme extraordinaire. Sa cuisine est de tout premier ordre, et elle a développé un style unique et inimitable. Elle sait aussi miser sur les avantages d’une équipe soudée. Et elle a la ténacité qu’il faut pour arriver au plus haut niveau.
Beaucoup de grands chefs figurant au GaultMillau prennent leur retraite...
La retraite, je n’y crois plus vraiment. André Jaeger, par exemple, est plus demandé que jamais. Pierre-André Ayer vient d’ouvrir un nouveau restaurant, et pas des moindres, et Robert Speth ne tardera sûrement pas à annoncer son come-back. C’est empirique, ne faire que jouer au golf ne suffit pas. Cela dit, le monde de la grande restauration vit une période de renouvellement.
La prochaine génération est-elle prête à prendre le relais?
En fait, il ne s’agit pas de trouver des remplaçants. Les concepts changeront en même temps que ceux qui les ont fait rayonner. Le monde de la cuisine est en constante ébullition. Les chefs qui prennent la place des anciens écriront leur propre histoire culinaire. Certes, ils garderont tel ou tel plat signature de leurs prédécesseurs, pour les habitués. Mais ils vont surtout inventer les leurs, et ce sont ceux-là que nous allons juger.
Le GaultMillau est-il fier de son rôle de révélateur de talents?
Absolument, c’est l’un de nos points forts. Le plus grand défi, c’est de trouver le bon moment pour les mettre sous les feux de la rampe: leur concept est-il crédible? A-t-il/elle les ressources requises pour réussir? Sont-ils/elles bien soutenus et entourés? Leur concept répond-il aux attentes du public? Ce n’est qu’après avoir répondu positivement à toutes ces questions que nous pouvons envisager une catégorie de points élevée.
Le monde gastronomique est en pleine évolution. Et le GaultMillau?
Je suis particulièrement fier du fait que nous soyons le seul guide gastronomique européen à avoir trouvé sa place online grâce à www.gaultmillau.ch. On y trouve tous les jours de nouvelles informations, recettes et vidéos. Notre nouvelle catégorie POP nous a permis de toucher d'autres segments du marché. Nous y laissons de côté notre système de points, mais pas nos standards, qui restent élevés. Nous avons aussi engagé une équipe de jeunes blogueurs. Et le succès est au rendez-vous: le GaultMillau Channel s’enrichit tous les jours et nos adresses POP sont prises d’assaut tous les soirs par de joyeuses foules de jeunes clients.
Quel est votre conseil pour les lecteurs et lectrices de GaultMillau?
Je sais bien qu’un repas dans un établissement qui compte 19 points implique un budget élevé. Je n’en conseille pas moins à tout épicurien, gourmet et gourmand de s’offrir ce plaisir au moins une fois. Nos huit chefs notés 19/20 supportent la comparaison avec les plus grands à l’échelle mondiale. Alors pensez-y! Après tout, un billet d’opéra, un concert d’Elton John ou un match de Champions League ont aussi leur prix...