Texte: Laurent Pelissier
A la suite des mesures édictées par le Conseil fédéral, comment avez-vous occupé vos journées de vigneron en semi-confinement?
En fait, ça n’a pas changé pas grand-chose. En pleine période d’ébourgeonnage, nous avons œuvré à la vigne avec les employés du domaine, comme toujours en cette saison. Les mesures de distanciation étant dictées par les rangs de la vigne! Et nous avons eu la confirmation de la venue pour l’effeuillage de notre main-d’œuvre du Portugal, qui pourra nous épauler.
La viticulture traverse déjà une période compliquée, le confinement a-t-il été une catastrophe ou au contraire une occasion de redessiner l'avenir de la profession?
Nous avons profité de cette période pour réfléchir aux différentes possibilités d’amélioration pour notre communication digitale. C’est le bon moment pour évoluer et s’adapter. En élargissant notre visibilité sur les réseaux sociaux par exemple. Nous réfléchissons à des actions ponctuelles avec nos partenaires en communication.
Est-ce que les gens ont joué le jeu et acheté des vins locaux? Quel est l’impact sur votre chiffre d’affaires?
Vu que plus de deux tiers de notre clientèle est privée, je peux me considérer comme chanceux. Les commandes ont bien fonctionné. Par solidarité ou par habitude, je ne sais pas! Mais la consommation locale et durable est plus que jamais à l’ordre du jour. Donc nous restons très optimistes.
La baisse de fréquentation, même passagère, va-t-elle vous amener à modifier certaines procédures commerciales?
Non, pas directement et pas pour l’instant. Nous maintenons un dialogue permanent avec nos collègues restaurateurs: personnellement, j’apprécie beaucoup d’aller manger au restaurant, donc je ne peux que me réjouir de leur réouverture, et les premiers échos de leur part sont plutôt encourageant. Si, à l’avenir, nous devons mettre en place de nouvelles méthodes, ce sera l’occasion.
Maintenant que le pic de la crise semble passé, votre vision financière a-t-elle évolué?
Nous ne voulons pas modifier nos lignes tarifaires ou repenser notre vision à l’heure actuelle. Nous préférons garder notre cap habituel. Avec notre gamme bio et notre engagement, notre marge de manœuvre reste réduite. Cependant, nous devrions faire appel à un prêt de la Confédération, ne serait-ce que pour se prémunir des futures conséquences. Et si nous pouvons le rembourser tout de suite, nous le ferons.
Qu'est-ce que vous garderez de positif de cette période particulière?
Le temps! Savourer notre métier au quotidien. Remplacer les traditionnelles réunions du soir par de bons moments partagés en famille, par exemple. Et accessoirement, moins de circulation, moins de bruit et une décroissance appréciable.
Une «astuce Lavaux» pour égayer les apéros en visioconférence?
N’étant pas forcément un adepte de ces apéros virtuels, voici une pensée qui me semble appropriée: «Liberté et paresse, qu’on se le dise! Du matin, debout sur les murets de pierre, au soleil levant. Au soir, en nos corps allongés, fatigués, repus de lumière dans les lits de nos capites. C’est si beau et si bon de vivre en Lavaux.»
Le meilleur accord mets-vins que vous ayez goûté avec l’un de vos vins?
Prenons le pinot gris Perle Grise en millésime 2018, un vin riche et puissant. Sa saveur épicée en fait un vin de gastronomie chaleureux, à associer idéalement avec la chair de poissons crus, en ceviche ou fumés.
Pour un plat simple mais savoureux: humecter des lentilles avec de l'huile de colza, les assaisonner de quelques grains de sel, déposer par-dessus des lamelles de filet de féra fumée du Léman et ajoutez quelques «pipetées» de jus de citron.
Pour voyager un peu plus loin, remplacer la féra par du rouget ou du poulpe, l'huile de colza par de l'huile d'olive, et ajouter un zeste de citron de Menton au sommet de l'édifice, qui tient plus de la capite que du palace.