Texte: David Moginier | Photos: Domaine Jean Duboux
PASSION ŒNOLOGIQUE. On dit toujours que le chasselas est le meilleur révélateur de terroir qui soit, le cépage reflétant naturellement la nature du sol sur lequel il a poussé. Jean Duboux et Constance Helbecque ont décidé qu’il pouvait aussi être le porteur de son mode de vinification. Le couple de vignerons de Riex sort ainsi un coffret de six chasselas millésime 2022 qui démontre à la fois les différences de terroir et celles de styles, à travers trois versions classiques et trois originales. Un coffret «Expression» habillé d’étiquettes créées par l’ECAL et de commentaires du sommelier Jocelyn Verny. Explications.
LES CLASSIQUES. Jean Duboux, sixième génération sur le domaine de 2,7 hectares, et Constance Helbecque, sa compagne ingénieur œnologue, proposent ainsi trois chasselas vinifiés traditionnellement, de Riex, d’Epesses et du Calamin. A Riex, le sol sabloneux et léger offre un nez d’amandes, de coriandre et d’agrumes, et une bouche autour des agrumes. A Epesses, un terroir argilo-calcaire, le chasselas propose davantage l’acacia, l’abricot et la pêche de vigne, avant une finale iodée. Enfin, le Calamin et ses terres argileuses et profondes donnent un vin plus minéral, aux arômes de fruits blancs et à la bouche plus complexe et incisive.
LES NOVATEURS. Les trois mêmes terroirs ont produit trois vins vinifiés de manière plus originale. Le Calamin a été élevé sur ses lies, une méthode qui fait ses preuves pour apporter plus de gras, plus de rondeur, plus longueur. Plus original, le Riex est un vin orange, soit un vin blanc macéré avec ses peaux. «Mais nous avons cherché la légèreté, en ne laissant cela que trois semaines entre la réception et la fermentation, explique Jean. Au final, nous l’avons également élevé en barriques d’occasion, histoire de bénéficier de micro-oxygénation sans avoir le goût du bois.» On sent ici des arômes toastés et grillés, on trouve de la complexité et une finale ample.
RIVESALTES SUR RIEX. Encore plus original, l’Epesses est proposé en vin muté. «À Changins, nous avions fait un voyage d’études à Rivesaltes et à Banyuls, et j’avais adoré ces vins un peu oxydatifs qui sentaient les fruits confits et les fruits secs.» Le couple a ainsi ajouté de la lie de chasselas à 65° d’alcool pendant la fermentation du vin, stoppant le processus pour que le produit garde du sucre naturel. Ce vin doux, élevé en barrique, titre 16,5°. Son nez sent l’abricot et le cacao, sa bouche est ronde et longue. «Le chasselas, si on le travaille différemment, ne ressemble plus forcément à du chasselas. Jocelyn Verny, de potdevin.ch, ne l’a pas reconnu à la dégustation.
EXPLICATIONS. Le même sommelier et le couple fournissent des explications sur chacun des vins auxquelles on accède par un QR Code placé sur la bouteille. Quant à l’habillage de ces flacons particuliers, ils ont fait l’objet d’un concours à l’ECAL, remporté par Alexandra Cupsa, avec des étiquettes qui sortent vraiment du lot. Enfin, chacun des vins fait l’objet d’un accord avec une recette de six chefs proches des Duboux: L’Appart (14/20) à Lausanne, le Millennium (15/20) à Crissier, le Baron Tavernier (13/20) à Chexbres, les Trois Couronnes à Vevey, Ô Bistro de Lavaux (14/20) à La Conversion et la Maison Décotterd (18/20) à Glion.
COFFRET COLLECTOR. La caisse de six bouteilles a été tirée à 280 pièces (230 francs). Les bouteilles sont bouchées en liège haute sécurité et cirées. «C’est un projet que nous avions depuis un moment. Nous voulions le faire en 2021, mais avec les conditions climatiques nous avons renoncé. 2022 était parfait pour cela.» Pour autant, Jean et Constance ne vont pas rééditer l’expérience tout de suite, vu l’énergie qu’elle demande. Mais les projets ne manquent pas, comme un vin jaune par exemple.
L’AMOUR À CAUDOZ. Le couple s’est rencontré à la Station fédérale du Caudoz, à Pully, où ils étaient tous les deux stagiaires. Lui, après Marcelin et l’Ecole supérieure de Changins, secondait son père Marc-Henri. D’abord à la vigne, puis à la cave, avant de reprendre le domaine en 2017. «C’est là qu’il m’a aussi passé le bureau», s’amuse-t-il. Elle a suivi sa formation d’ingénieur agronome, spécialisation œnologie, à Angers. Elle est à Riex depuis 2014. Elle y anime aussi des Ateliers Œno-ludiques ouverts à chacun.