Traversée des Alpes. Au carrefour alpin de l’Europe, il n’est guère surprenant que certains cépages aient transité ou trouvé refuge en Suisse. Tout comme les monnaies anciennes, de nombreuses variétés de raisins ont été découvertes le long des anciennes routes commerciales. Plus elles s’adaptaient aux régions qu’elles traversaient, plus leur voyage s’étendait. Mais selon les ampélographes, ces détectives de l’origine des cépages, certains d’entre eux suivent des chemins moins attendus, ouvrant la voie à des collaborations inédites. C’est le cas de l’ancellotta, un cépage italien traditionnellement associé au lambrusco, qui a donné naissance au galotta: un croisement ingénieux entre l’ancellotta et le gamay. Développé dans le canton de Vaud dans les années 1980, ce cépage prometteur séduit de plus en plus les vignerons locaux grâce à sa résistance au botrytis, ainsi que les amateurs de vin – dont je fais partie. Ses qualités singulières ne se contentent pas d’enrichir la dégustation, elles alimentent aussi des conversations passionnées autour de la table.

 

Sauvage et sombre. Ma dernière découverte provient du versant nord du canton de Vaud, à Bonvillars, où seulement 5000 bouteilles de ce nectar sont produites chaque année. Le galotta impressionne dès le premier regard avec sa teinte d’un noir profond, presque opaque, qui laisse entrevoir les arômes captivants à venir. Au nez, ce vin s’ouvre sur des notes intenses de cerises noires, de mûres sauvages, de ronces et de prunes bien mûres, enveloppées d’une délicate onctuosité, fruit de ses douze mois en fût de chêne. Il se montre légèrement sauvage, mais jamais agressif. En bouche, les tanins bien présents et l’acidité vibrante dynamisent le palais. Des nuances de feuilles de tabac grillées, d’épices séchées et une pointe de kirsch viennent animer l’expérience. Ce caractère sauvage, bien que maîtrisé, s’équilibre parfaitement pour offrir une finale soyeuse et élégante.

 

Riche et invitant. Gourmand par son essence, ce vin l’est aussi par son nom. Véritable vin de dégustation, il invite à la conversation et sublime les accords culinaires. Lors d’un repas familial, je l’ai accompagné de plats aux textures et saveurs variées: un pâté en croûte de lapin, subtile alliance entre rusticité et réconfort; un cassoulet odorant de saucisses et de haricots que les fruits noirs vibrants du vin rehaussent à merveille; et, pour conclure, un riche gâteau au chocolat noir et à la cerise, dont chaque bouchée fait écho aux notes fruitées du galotta. Ce vin séduit par son équilibre et sa profondeur, tout en rappelant que chaque cépage a son propre voyage et une raison d’être.

 

Le vin Galotta Gourmand de la Cave des Viticulteurs de Bonvillars

Marc Checkley

Truculent journaliste, bloggeur et présentateur néo-zélandais établi en Suisse (www.marccheckley.com), Marc est passionné de food et de vins. Épicurien, il produit des films et des articles de Londres à Singapour.

Marc Checkley