L'histoire du malbec. Nous sommes en 1956, à Cahors, dans le sud-ouest de la France. Un coup dur frappe la région: presque 80% des vignobles sont ravagés du jour au lendemain par une gelée saisonnière impitoyable. C’est le dernier acte d’une trilogie de tragédies qui a commencé avec l’arrivée du phylloxéra dans les années 1860, suivi par les restrictions commerciales imposées par la proximité du Bordelais. Ces événements dramatiques ont profondément bouleversé l’histoire et l’identité du cépage emblématique de Cahors: le malbec.
Aujourd’hui, nombreux sont les amateurs de malbec qui attribuent son origine aux contreforts des Andes, en Argentine, où il a été planté avec succès par des entrepreneurs visionnaires dès les années 1850. Cependant, l’histoire du Malbec est bien plus ancienne et mouvementée. Il fut également l’un des premiers cépages à s’implanter sur la péninsule de Crimée. À travers les épreuves et les tribulations, le malbec a démontré sa ténacité, son adaptabilité et sa quête constante de nouvelles opportunités. Un cheminement qui l’a même conduit aux pentes majestueuses de Saint-Saphorin, où j'ai découvert cette version unique.
Les vignerons Sébastien et Anne-Catherine Ruchonnet.
La structure de ce vin est fantastique. Fruit du travail passionné de Sébastien et d'Anne-Catherine, le malbec de Ruchonnet (Rivaz) a été planté pour la première fois en 2012. Sur une parcelle de seulement 1'000 m², chaque cuvée de «La Ligne» est élevée en fûts de chêne français pendant 12 mois, puis assemblée avec une touche de cabernet franc (un frère d'une autre lignée). Ce vin est un pur délice: sa robe, d’un rouge sombre et rustique, évoque la terre. Le nez, d’abord discret, se révèle progressivement pour offrir des notes de fruits noirs mûrs: prunes, cerises et une pointe de réglisse qui dansent harmonieusement. Viennent ensuite des arômes plus corsés de bacon et de cacao qui prennent toute leur place. En bouche, l’expérience est énergique et intense: une texture veloutée, mais avec suffisamment de consistance pour titiller les papilles, audacieuse sans être excessive. Un équilibre inattendu, pourtant si efficace. La finale est soyeuse, sans excès ni oubli, laissant une empreinte d'herbacées fumées et une «minéralité alpine» subtile, clin d'œil au terroir local.
L'accord met-malbec. Avec une telle richesse aromatique, on pourrait penser que le malbec s’accorde naturellement avec une côte de bœuf accompagnée de sauce chimichurri. Pourtant, ce vin est un véritable caméléon culinaire. L'une de mes associations préférées? Les notes sucrées du malbec se marient à merveille avec des dattes farcies de Stilton, enveloppées de bacon (facultatif): de véritables cigares gastronomiques à savourer. Pour une option plus copieuse, imaginez un porc cuit lentement, mariné dans une réduction de malbec, rehaussé d’un soupçon de sirop d’érable et d’épices, servi sur un pain brioché et accompagné d’une salade de chou rouge. Servi avec serviettes obligatoires, bien sûr! Un voyage gustatif, hommage au parcours pionnier du malbec.
