Texte: David Moginier Photos: DR
LA NATURE EST CRUELLE. Le millésime 2024 restera un mauvais souvenir pour Eric Minod, en particulier cette nuit du 22 avril où le gel a frappé son Domaine Dillet, comme il l’a fait dans tout le Chablais. Une moitié de son vignoble était touché. «Il y a des endroits où tout est devenu gris dans la journée. Ça s’est mis à repousser ensuite mais sans espoir de récolte. À d’autres places, cela a mis trois semaines à sécher et ensuite la végétation est ressortie de partout, en pagaille. Même sans raisin, cela donnait plus de travail pour essayer de tailler la vigne.» Heureusement, si la récolte 2024 sera faible, il lui reste assez de stocks de 2023 pour satisfaire sa clientèle.
SUCCESSION REPOUSSÉE. Ce millésime gelé a également retardé la succession prévue dans la famille Minod d’une année, le temps de remettre les finances en ordre. Ce sera donc en 2027 que deux des trois enfants reprendront ce domaine de six hectares et demi, principalement situé à Yvorne, avec un peu de vignes à Aigle et à Villeneuve. Si Eric Minod représente la sixième génération, ce n’est qu’avec son père que la cave est née, en 1967. Eric l’a rejoint en 1984, alors qu’il n’y avait encore que deux hectares de vignes. Il a agrandi l’affaire, malgré l’étroitesse des locaux, vendant en vrac ce qu’il n’arrivait pas à mettre en bouteilles, avant de louer enfin des bons locaux.
ENVIE TARDIVE. Des trois enfants, seul Dorian avait montré un intérêt pour la vigne, mais pas pour la cave. Ses parents Eric et Sylvia avaient alors pris contact avec la coopérative des Artisans Vignerons pour voir si Dorian pourrait leur livrer sa future récolte. Mais voilà que Céline, la fille, horticultrice de formation, a soudain manifesté son envie de rejoindre la cave aux côtés de son frère. Ni une ni deux, les Minod font machine arrière, et réussissent à acheter la cave qu’ils louaient depuis 15 ans et y installent une cuverie plus adaptée.
DOMAINE EN MUTATION. Traditionnellement, le Domaine Dillet faisait majoritairement du chasselas, à plus de 80%. Mais les choses changent et les Minod plantent désormais plus de rouge. Pour le cépage vaudois, chaque parcelle est vinifiée séparément avant qu’on choisisse le meilleur pour la mise en bouteille, le reste étant vendu en vrac. Nouveauté, un Chass’la Bulle, qui propose un vin gazéifié et légèrement sucré. «Ma fille a travaillé chez Œnologie à façon, à Perroy, et ça nous a convaincus d’essayer pour une clientèle plus jeune et pour remplacer le Prosecco dans les restaurants.» Un assemblage blanc réunit chardonnay, pinot gris et pinot blanc. Et le doral est vinifié en vin doux, vieilli sur pied quand le climat le permet. «On l’a même récolté le jour de la Saint-Valentin, le 14 février, en 2016.»