Texte: David Moginier
UN COUPLE HYPERACTIF. Rencontrer Antoine Sauty, c’est partager un moment avec quelqu’un qui a mille idées à la minute et un débit vocal à la hauteur. Le vigneron de Denens l’admet: «Je ne dois pas m’éparpiller si je veux mener à bien mes projets dans l’objectif de qualité que j’ai.» Cela passe par la culture de son domaine de 10 hectares (4 en vignes), par l’originalité de ses vins ou par la construction de sa nouvelle cave. Sa femme Isaline, qui travaille avec lui, est «devenue aussi un peu hyperactive à son contact». Ce qui explique aussi le parcours un peu étonnant de ce fils de vigneron avant que le quadragénaire reprenne le domaine en 2019, une décision prise en deux jours. (Grande photo ci-dessus: Isaline et Antoine Sauty)
VOCATION HUMANITAIRE. Auparavant, Antoine a bien fait un CFC de viticulteur et commencé l’École supérieure de Changins… qu’il n’a pas terminée. «Je n’étais pas mûr.» Il attendra 27 ans avant de passer une maturité professionnelle, lui qui se destinait à l’humanitaire avant qu’un accident de moto stoppe sa vocation. Il suit des études d’ingénieur agronome à Genève puis travailler dans cette même École d’ingénieurs. Finalement, il se lance dans le CBD avec Isaline en 2017. Deux ans plus tard, son père Pierre veut mettre le domaine au nom de son fils tout en continuant à l’exploiter. Sauf qu’au moment de signer les documents chez le notaire, il propose à Antoine de le reprendre vraiment. Deux jours plus tard, le couple accepte, à condition de le passer en bio.
UNE TRANSITION POUR LA BEAUTÉ ET LES ANIMAUX. Les Sauty entament leur reconversion dans une idée plus large. Ils plantent plus d’un kilomètre de haies dans leurs herbages, creusent un étang pour la biodiversité, élèvent une trentaine de moutons pour la tonte de leurs herbes. «Cela coupe ces paysages agricoles uniformes et cela aide des milliers d’animaux.» Dans le même temps, la culture en bio suit la même volonté de durabilité, la même philosophie, sans recourir aux nouveaux cépages résistants auxquels Antoine ne croit pas. «On n’a pas assez de recul. Je réussis à maîtriser les crises sanitaires même sur des cépages plus anciens.»
DES DÉBUTS COMPLIQUÉS. Le papa faisait vinifier son raisin pour en vendre une partie en bouteilles, et livrait le reste. Les jeunes choisissent de travailler avec la Maison du Moulin… qui fait faillite la première année où ils avaient livré. Au moment de vendre les bouteilles qu’ils récupèrent, c’est le début du Covid. «On se dit qu’après avoir survécu à tout ça, plus rien ne peut nous arriver.» Ils vinifient désormais leurs vins chez Œnologie à façon, à Perroy. «Je dois être leur client le plus pénible, je veux tout suivre, tout contrôler et j’arrive avec des idées originales.» Aujourd’hui, la moitié de leur récolte est vendue en bouteilles, avec l’objectif de tout vinifier en 2025 dans leur nouvelle cave à Denens.
LA RECHERCHE D’ORIGINALITÉ. En plantant des cépages moins habituels ici, malbec, syrah, zinfandel, mondeuse, petit verdot ou chenin blanc, Antoine Sauty veut se démarquer de ses confrères. «La clientèle évolue, veut de la buvabilité, de la fraîcheur. On ne vend plus une bouteille, mais une expérience, une rencontre avec le producteur, une originalité.» Des vins de fruit sont au programme de ses nouvelles gammes aux étiquettes modernes et graphiques. Mais les Sauty sont aussi des spécialistes des spiritueux, eux qui cultivent aussi des fruits qu’ils font ensuite distiller à Cheyres, chez Julien Michel. Pas étonnant dès lors qu’Antoine ait eu l’idée d’élever du chasselas dans des fûts qui ont servi à d’autres alcools avant. Du rhum, du sherry ou du bourbon selon les millésimes. Devant le «petit succès» de ce Catharsis, il a doublé la mise avec un gamay dans un tonneau de Jim Beam.
Coup de cœur: le Catharsis, un chasselas élevé en fût de bourbon (Jack Daniel’s) pour ajouter du volume au cépage iconique des Vaudois.
Ce que l’on trouve en cave: douze vins pour le moment, quatre traditionnels, cinq petites cuvées, deux vins en fûts de spiritueux et un pétillant naturel.
Trois chefs Gault&Millau qui proposent ses vins: Guy Huck à l’Auberge de Mollens (13/20), Pierrick Suter à la Gare à Lucens (17/20), Simone Riberi au Villars Palace (16/20).