Texte: Elsbeth Hobmeier I Photos: Monika Flueckiger
UN COFFRE À TRÉSORS. Avec ses domaines viticoles, la Maison Hammel - Terre des Vins possède un véritable trésor. Dans ce trésor, ou plutôt dans la cave de Rolle (VD), est rassemblée l'une des meilleures collections de vins suisses. Clos de la George et L'Ovaille, à Yvorne, Domaine du Montet, à Bex, Domaine de Crochet, au Mont-sur-Rolle, Clos du Châtelard à Villeneuve, ce ne sont que quelques noms parmi tous ceux qui brillent sur La Côte, dans le Lavaux et le Chablais. Au total, les vins de 15 domaines sont pressés puis vinifiés par la maison Hammel, dont huit sont sa propriété, les autres lui étant confiés depuis des décennies pour l'exploitation ou la vinification. Tous ont en commun une qualité notable de leurs crus, qui comptent parmi les meilleurs de Suisse. Une performance due avant tout à la personnalité de Charles Rolaz. Il y a 30 ans, cet avocat de formation a rejoint l'entreprise familiale. Aujourd'hui, il représente la quatrième génération à la tête de la Maison Hammel. Et il imprime sa marque sur son avenir, avec ses exigences œnologiques, et une volonté absolue de qualité.
TERROIR ET VISION. Nous sommes avec Charles Rolaz dans les vignes du Clos de la George près d'Yvorne. Extrêmement pentues. Ici, les coteaux sont en terrasses, la situation, avec vue sur les Dents du Midi, est optimale. Ces sols sont depuis toujours idéaux pour le chasselas, qui ose ici s'appeler Premier Grand Cru. Nous dégustons le 2021, un vin magnifique, complexe et profond. «J'adore ce terroir, il confère au chasselas une minéralité unique. Pour moi, le Chablais est l'archétype, la référence pour ce cépage», assure Charles Rolaz. Et de surprendre en promettant que «ce vin vieillira parfaitement, il sera encore bon dans dix ans, peut-être même meilleur». En Suisse, on pense toujours qu'il faut boire un chasselas le plus vite possible et ne pas l'oublier dans la cave. «Ce n'est en général pas vrai. Un vin issu de vieilles vignes comme celui-ci gagne toujours à mûrir un peu», affirme le vigneron. Ceci dit, Charles Rolaz prouve depuis de nombreuses années que, si l'on est ici sur un terroir traditionnel à chasselas, d'autres cépages peuvent aussi y faire des étincelles. Le chardonnay Clos de la George montre une grandeur bourguignonne dans le style des Meursault. La syrah, plantée ici dès les années 1990, compte parmi les meilleures du canton de Vaud. Et les plants de malbec, qui n'ont que cinq ans, sont également une réussite qui convainc dans la belle cuvée de malbec-merlot. Récemment, Charles Rolaz a aussi planté dans ce clos des variétés de roussanne et d'altesse, rares dans notre pays. «Je suis ravi de l'altesse, que nous sommes les premiers à cultiver depuis quinze ans, pour le Château de Trévelin, sur La Côte. Il est frais, un peu exotique. Et avec sa bonne acidité, il convient parfaitement comme base pour un vin mousseux».
PAS PLUS GRAND MAIS MEILLEURS. Charles Rolaz est un pionnier de la viticulture suisse en ce qui concerne les vins de terroir, mais aussi pour les assemblages. Un nombre record de 35 cépages poussent sur les 160 hectares de vignoble que cultive la maison Hammel. Autrefois, il y avait même près de 350 hectares, ce qui faisait d'elle l'un des plus grands producteurs de vin de Suisse. «Nous avons volontairement réduit notre taille», explique le vigneron, «et aujourd'hui nous ne voulons pas devenir plus grands, mais meilleurs». Ce qui le rend très exigeant quant à la qualité de chaque vin qu'il met en bouteille. Cela ne vaut d’ailleurs pas seulement pour ses propres domaines, mais aussi pour les, vignes qui lui sont confiées et dont la Maison Hammel s'occupe pour le compte de particuliers. En outre, l'homme a ses convictions. «L'avenir est une chance à saisir», affirme-t-il. Il investit donc dans sa cave, la viticulture et la mise en bouteille. Depuis 2006 déjà, une partie des vignes est cultivée selon les règles de la biodynamie, et partout où cela est possible, il renonce aux herbicides. Le Domaine de la Bolliattaz, dans le Lavaux, est certifié Demeter, d'autres domaines sont en cours de conversion.
DES VINS DE CARACTÈRE. «Nos vins doivent avoir leur caractère propre, typique de la région de production», voilà l'objectif de Charles Rolaz. C'est le cas du chasselas premier grand cru de L'Ovaille, au-dessus d'Yvorne, qui est partiellement élevé en amphore. Ou du Taranis blanc, du Domaine du Montet, à Bex, dont le millésime 2012 a fait partie des vainqueurs du Swiss Wine Vintage Award cette année. On y ajoute le pinot noir barrique du Clos du Châtelard 2020, classé parmi les meilleurs pinots du monde par Decanter. Sans oublier le garanoir, magnifiquement structuré, du Château de Vuilllerens, près de Morges, l'assemblage Quatuor 2019 de merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc et syrah, dans le style bordelais, ainsi que la cuvée Charles Auguste du Domaine de Crochet. De toute manière, quelle que soit l'appellation, pour Charles Rolaz, la cause est entendue: «Chaque vin que nous mettons en bouteille doit être qualitativement au top».