Texte: Daniel Böniger Photos: Sedrik Nemeth
Vignes bio. A Martigny, les quelque 20 hectares de vignes que cultive la vigneronne Sarah Besse, 37 ans, sont certifiés bio depuis 2020. «Il y a dix ou quinze ans, Marie-Thérèse Chappaz était encore une pionnière dans cette démarche. Aujourd’hui, les domaines labellisés Bio Suisse se multiplient, même si certains collègues restent réfractaires», explique-t-elle. Au sein de son équipe, la transition vers le bio a d’abord suscité des réticences, par crainte d’une charge de travail accrue. Pourtant, ces inquiétudes ne se sont pas confirmées. Désormais, selon elle, le véritable défi, est le changement climatique. «Quand il pleut intensément, tout le monde doit traiter après, bio ou pas». Quant aux clients, pour ces derniers, «c’est avant tout la qualité qui prime – le label Bio Suisse n’est un critère d’achat déterminant que pour une minorité».
Cépages prestigieux. Petite arvine, heida, cornalin, humagne rouge – Sarah Besse vinifie toutes ces spécialités valaisannes qui sont devenues si prisées des amateurs de vin depuis les années 2000. Mais ceux qui rendent visite à cette vigneronne découvrent aussi que, malgré sa large gamme de près de 30 cuvées différentes, 37,5 % de ses vignobles restent plantés en gamay et chasselas. Ne faudrait-il pas remettre davantage en avant ces cépages moins prestigieux?
La cave à vin Gérald Besse à Martigny.
Sarah Besse y élabore près de 30 vins différents.
Elle élève une partie de ses vins rouges dans de grands fûts en bois.
Syrah, côte de bœuf. Sarah Besse refuse de choisir un camp et défend une approche inclusive. Elle illustre son point de vue avec les cépages rouges gamay et syrah: le gamay, plus léger, est parfait pour accompagner un barbecue lors d’une chaude journée d’été, ou encore une pizza ou une lasagne. «La syrah, en revanche, avec ses 15% d’alcool, convient mieux à une côte de bœuf – et personne ne mange ça tous les jours». Pourtant, elle a bien dû constater qu’en Suisse alémanique, le gamay, la dôle et le fendant ne suscitent pas toujours l’enthousiasme. «Pendant trop longtemps, de nombreux vins de ces cépages issus du Valais étaient d’une qualité douteuse». Et cette idée reste encore bien ancrée dans de nombreux esprits.), une acidité bien équilibrée, beaucoup de corps et une belle intensité en bouche, avec des notes de poire et de mandarine. Un véritable vin de terroir.
Fendant dans un fût de béton.
Sarah Besse le sait: «Les vins produits par des femmes sont actuellement à la mode».
Un chasselas qui dépasse l'apéritif. Avec un sourire, Sarah Besse saisit une bouteille de fendant «Les Bans» sur l’étagère et pointe l’étiquette. Fait surprenant: l’appellation indiquée est «chasselas» et non «fendant», contrairement à l’usage courant dans la région. Une décision prise pour mieux vendre le vin en Suisse alémanique, explique-t-elle. Et en Valais, où vit environ la moitié de sa clientèle? «Ici, l’apéritif est une véritable institution, le vin se vend de toute façon sans problème. Dès la première gorgée, on réalise qu’il ne se limite pas à être un simple vin d'apéro. Il séduit par un nez floral et fruité (fleur d’oranger, pêche, une touche d’amande), une acidité bien équilibrée, beaucoup de corps et une belle intensité en bouche, avec des notes de poire et de mandarine. Un véritable vin de terroir
Étiquette avec le bourgeon bio et la signature de Sarah Besse.
Le nettoyage de la cave fait également partie des travaux à effectuer en hiver.
Les vigneronnes ont la cote. Depuis qu’elle est responsable œnologique du domaine, il y a dix ans, l’idée de rebaptiser le domaine «Gérald Besse» – du nom de son père – en «Sarah Besse» a déjà été envisagée. «Les vins élaborés par des femmes sont très tendance en ce moment». Mais pour elle, il n’en est pas question. Par respect pour le travail accompli par ses parents: «Ils ont investi énormément d’énergie et de temps dans ce domaine».
Plus de bio dans le verre!
Un vignoble vivant planté de vignes vigoureuses autant que résistantes: voilà un excellent pré-requis pour élaborer des vins «Bourgeon». En Suisse, ils sont d'ores et déjà plus de 580 viticulteurs et viticultrices à produire des vins bio. Ils renoncent aux produits phytosanitaires chimiques de synthèse et aux engrais artificiels. Ces viticulteurs de haut niveau jouent la carte du bio et de la biodynamie avec succès.
Quels cépages planter? «Contrairement à la Napa Valley, par exemple, nous bénéficions ici d’une diversité unique: des altitudes variées, une mosaïque de sols et des expositions multiples au soleil et au vent». Inutile donc d’opposer pinot noir et merlot, chasselas et heida. L’enjeu n’est pas de choisir, mais de tirer le meilleur parti de chaque terroir. Et pour cela, la diversité des cépages est une richesse.