Texte: Nouhad Monpays Photos: The Bastion Collection Group
Après New-York, Miami et Huston, Genève est la seule antenne européenne du concept Le Jardinier (15/20, The Woodwards). De passage en Suisse, son fondateur, le chef multi étoilés Alain Verzeroli, 57 ans, avait fait ses armes auprès d’Alain Passard, de Guy Savoy et de Claude Deligne avant de se profiler en disciple de Joël Robuchon, dont il fut l’ambassadeur au Japon. Rencontre exclusive avec un chef passionné, créatif et ambitieux.
Le concept du Jardinier, c’est vous qui l’avez inventé?
En 2017, j’ai quitté Tokyo car Joël Robuchon m’a envoyé à New-York pour l’ouverture d’un nouveau restaurant. Mais ce projet a pris du retard et comme le chef est malheureusement décédé, il n’a pas abouti. C’est alors que le promoteur m’a proposé de poursuivre l’aventure avec un autre concept… si j’en trouvais un! Je me suis donc enfermé chez moi quelques jours, j’ai repensé à mes quelques mois passés à New-York, pour réaliser qu’aux USA, le légume est toujours relayé au second plan: c’est le fameux «side», généralement vendu à part. Alors j’ai décidé de prendre le contrepied de cette vision: avec Le Jardinier, le végétal serait remis au cœur de l’assiette, sans pour autant proposer une cuisine entièrement végétale.
Votre expérience nippone a-t-elle inspiré votre démarche?
Mes 18 années passées au Japon m’ont énormément inspirées. Les Japonais sont plus connectés que nous à la nature. Ils l’honorent et la célèbrent quotidiennement. Le côté insulaire fait d’eux les champions incontestés de la localité. De plus, pour moi, intégrer mon environnement à ma cuisine est une chose naturelle, tout comme délaisser parfois les protéines animales pour plus de végétaux. C’est ainsi que je vis et que je me nourris depuis des années. La cuisine du Jardinier me correspond entièrement. J’ai aussi passé des années à cuisiner avec et pour l'élite. Aujourd’hui j’ai envie de partager mes connaissances avec plus de monde: plus qu’une technique culinaire, j’ai besoin qu’il y ait de l’intention derrière mes créations. Je voulais proposer de la simplicité, une cuisine gourmande qui valorise le terroir, sans lourdeur inutile: je pense que c’est réussi!
Quelle a été l’influence de vos années passées aux côtés de Joël Robuchon?
Le Jardinier est ma création. Mais après toutes ces années passées à ses côtés, toute ma cuisine est influencée par Joël Robuchon! Premièrement, il y a cette volonté viscérale de vouloir faire toujours mieux. Puis cette capacité à toujours se remettre en question et à proposer une cuisine vivante, évolutive: je pense que nous partagions ça, c’est aussi son héritage. Même si ma cuisine s’éloigne de celle du chef, la recherche du goût, l’exigence et la qualité sont des marqueurs communs: ils devraient l’être pour toutes les cuisines, non?
Quelle est l'autonomie de votre concept?
Je suis le directeur culinaire du The Bastion Collection Group qui est complètement indépendant du groupe Joël Robuchon International dont Le Jardinier n’a jamais fait partie. Dans ce groupe, Il y les quatre restaurants Le Jardinier USA, ainsi que celui de Genève et L’Atelier de Joël Robuchon du Design District à Miami pour lequel nous avons la franchise. Celui-ci a d'ailleurs obtenu deux macarons dès sa première année d’ouverture par la première édition floridienne du guide Michelin: ce fut une surprise incroyable, vraiment! Le Jardinier de New-York a aussi obtenu une étoile, j’en suis très heureux!
Quelle est la marge de manœuvre de chaque chef, en particulier celle d’Olivier Jean à Genève?
Plus que sa cuisine, chaque Jardinier a son univers et sa propre personnalité. Ce n‘est pas un concept «copy paste»: à Miami par exemple, tout est situé à l’extérieur, en terrasse; à Houston, le restaurant se trouve dans un musée et donne sur un jardin de sculptures; à New-York il est dans le quartier des affaires, telle une oasis en ville; et à Genève, il est installé dans ce magnifique écrin qu’est The Woodward. Je veux des décors intégrés au lieu et à la culture: mais il y a toujours un côté verdoyant. En ce qui concerne les chefs, ils ont une grande liberté! Si je me mettais à piloter le menu genevois depuis New-York, ça n’irait pas avec l’esprit de localité du Jardinier! Avec Olivier, nous nous étions croisés, mais nous ne nous connaissions pas. Cela dit, nous avons un background similaire et un langage commun: on se comprend très bien. Pour les recettes, l’élan créatif vient de lui. C’est lui qui crée les liens avec les fournisseurs. Je ne suis là que pour faire de l’affinage. En tout cas, nous sommes ravis de l'accueil du Jardinier à Genève et un 15/20 au Gault Millau, c’est une belle reconnaissance!
Et quel est l'avenir du concept dans le monde?
Hum, je ne peux pas trop en dire, mais sûrement un restaurant Le Jardinier dans une belle capitale européenne. Et peut-être une ouverture sur le côté Est des Etats-Unis où je pense que Le Jardinier trouvera son public.