Texte: Nouhad Monpays | Photos: India Belce-Kennedy
Nobu est un succès planétaire, combien y-a-t-il de Nobu à travers le monde?
À ce jour nous avons 55 restaurants, 17 hôtels dans le monde et nous venons d’ouvrir un Nobu Hôtel à Marrakech. Nobu est présent sur les 5 continents: c’est magnifique!
Pourquoi cette visite au SACHI?
Je suis ici pour soutenir le chef Mitsu (ndlr: Mitsuru Tsukada). La dernière fois que j’ai vu Mitsu San, c’était à Athènes dans notre restaurant Matsuhisa (ndlr: l’autre chaîne de restaurants du chef Nobu). Il a commencé comme chef de partie pour finir chef exécutif. Pour moi, nous sommes une grande famille, et dans une famille on se soutient.
Genève, c’est une première. Vous avez déjà un restaurant Matsuhisa à Saint-Moritz. Que pensez-vous de la gastronomie suisse?
Je suis venu en 2006, car j’ai créé une montre pour la marque Rado dont les bénéfices des ventes ont été reversés à la lutte contre le cancer du sein. Cela dit, c’est vrai que je ne connais pas bien la Suisse. Mais en ce qui concerne sa gastronomie, je sais qu’on aime y utiliser les ingrédients locaux. Les Suisses sont attachés à leur terroir et ça, ça me plaît! J’ai tout de même essayé la fondue une fois, mais j’ai cru que c’était un apéritif! Je me demandais quand allaient arriver les plats!
À 74 ans, vous en avez parcouru du chemin! Enfant, quel était votre projet de vie?
Je n’ai toujours eu qu’un seul rêve: devenir chef, et le rêve est devenu réalité! J’ai souvenir enfant d’avoir rendu visite à mon grand frère qui travaillait dans un sushi bar. Pour nous les Japonais, le sushi c’est quelque chose d’exceptionnel. C’est même un art! Cette tradition de dégustation, attablé au bar, m’a immédiatement séduite, tout était tellement pur… ce jour-là j’ai su que je serais chef.
Quel a été votre premier restaurant?
Il s’agit de Matsu Ei («ei» signifie prospérité en japonais) en Argentine. Mais un incendie juste après l’ouverture m’a fait tout perdre et je suis rentré au Japon, le temps de me refaire! J’ai ensuite été sushi chef à Los Angeles et en 1987, j’ai ouvert mon premier restaurant à Beverly Hill avec ma femme. Aujourd’hui, des années après, ce premier restaurant américain est toujours un de mes immenses succès.
Y a-t-il des villes/pays où Nobu n'aura jamais sa place?
Pas du tout! Ce qui compte, ce sont les gens derrière les projets! Si la ville, le pays a un vrai potentiel, si les partenaires commerciaux sont des gens avec qui il y a un «feeling»: Nobu peut s’installer! Et surtout, il faut pouvoir composer de bonnes équipes: un restaurant, un hôtel ne sont rien sans leur équipe. Pour moi - bien plus que l’argent - l’humain est important!
Qu'est-ce qui fait la recette du succès de Nobu?
Je crois que c’est mon exigence et la qualité de ce que j’ai toujours cuisiné. De plus, je suis arrivé à un moment où les gens avaient envie de manger léger et bien: «healthy». Cuisiner pour les autres: c’est toute ma vie. Ce qui compte pour moi c’est que les gens passent un bon moment, qu’ils se sentent bien, mais attention ce n’est pas le travail d’une seule personne pour cela il faut aussi avoir des équipes bien formées, bien entraînées, impeccables! Comme je le dis toujours: c’est très simple de construire un beau restaurant, mais ce qui compte, c’est la qualité, le service, la constance de toute l’équipe! Grâce à tous ces ingrédients, j’ai rendu des clients heureux, qui ont ramené d'autres clients heureux, et nous avons acquis une réputation infaillible. Quand on fait de son mieux, le succès arrive toujours!
Est-ce un effet de mode ou une tendance de fond à l'échelle planétaire?
Tendance? Je ne suis pas les tendances, je suis japonais, je fais de la cuisine japonaise avec ma propre créativité.
Nobu est-ce un concept immuable ou s'adapte-t-il aux différentes clientèles?
Chez Nobu, on mange du Nobu: le «Nobu style», les gens viennent pour ça. Partout dans le monde, nos clients retrouvent les mêmes présentations, les mêmes recettes, le même goût. Il y a un goût spécifique à ma cuisine, mais les chefs de nos restaurants utilisent tout de même des produits locaux qu’ils marient avec des recettes de sauces spécifiques par exemple.
S'il y a un plat dont vous êtes fier et/ou qui illustre l'esprit Nobu, lequel est-ce?
Vous savez qu’on m’appelle le «Cod father» - rires - (Ndlr: en anglais le nom cod - la morue - ressemble beaucoup à god - Dieu, d’où le jeu de mots), donc mon célèbre black cod est un incontournable. Tout comme les tempuras de crevettes de roches, le yellow tail jalapeños, le new style sashimi… il y en a d’autres! Tous peut-être! Ces plats sont connus et associés à Nobu.
Quand vous n'êtes pas aux fourneaux, qu'aimez-vous manger?
Je mange de tout, mais j’ai grandi au japon, j’ai été éduqué au Japon et je suis un chef japonais, alors il est vrai que pour moi cela reste la cuisine que je préfère.
Pensez-vous prendre votre retraite?
Je ne pense jamais à la retraite. La cuisine est ma passion, mon énergie, je ne veux pas perdre ça! Je cuisine toujours, je forme les futures générations de chefs pour mes restaurants, j’enseigne, je fais des shows culinaires… Je crois que je ne m’arrêterais JAMAIS!