«Il faut que ça ait du goût!»

MARC LANGENBRINCK, VOUS ÊTES LE PDG DE MERCEDES-BENZ SUISSE, MAIS NOUS VOICI EN CUISINE. EST-CE NORMAL?

Pour notre master class, Sven Wassmer avait besoin d'un marmiton. Je ne suis pas très doué, alors mon équipe s'est dit: «C'est au chef de jouer!» Plus sérieusement, je ne suis pas un cuisinier hors pair, mais j'adore cuisiner. Et pouvoir regarder par-dessus l'épaule d'un professionnel est tout simplement sensationnel. Cuisiner avec Sven, c'est comme jouer au tennis avec Roger Federer.

MERCEDES EST LE NOUVEAU PARTENAIRE DE GAULTMILLAU. OÙ VOULEZ-VOUS NOUS EMMENER?

J'espère que nous cheminerons longtemps ensemble sur la route culinaire. Côté culinaire, le GaultMillau est le leader en Suisse. Et Mercedes-Benz est le leader en matière de véhicules haut de gamme. Nous associons donc deux entreprises d'avant-garde dans leurs domaines respectifs. Nous tenons à offrir à nos clients des moments d’exception, des événements et des voyages vers de grandes tables – les possibilités sont aussi variées que la cuisine elle-même.

QU'ONT EN COMMUN LA BONNE NOURRITURE ET LES BELLES VOITURES, AU JUSTE?

Les deux choses sont liées au plaisir. Lorsqu’on apprécie ce qu'une marque de voitures haut de gamme peut offrir – de la conception à la fabrication en passant par le service à la clientèle –, on a également le sens de la bonne cuisine. Notre slogan est «The best or nothing» (le meilleur sinon rien), et cela s'applique tout autant à un grand chef. Dans les deux cas, c’est l'excellence du travail artisanal, l'innovation et la tradition dont il est question: il faut maîtriser son métier tout en usant de sa créativité pour fournir des effets «waouh» toujours nouveaux.

POUVEZ-VOUS NOUS DONNER UN EXEMPLE?

Beaucoup de nos clients conduisent des Mercedes-Benz juste parce qu'ils trouvent nos voitures magnifiques. Et certains plats sont si esthétiques qu'on se retient presque de les manger. C’est ce type d’émotions qui nous relie. Sans oublier le fait qu'il faut bien un moyen de se rendre au restaurant…

AVEC SVEN WASSMER ET GUY RAVET, VOUS AVEZ RECRUTÉ DEUX AMBASSADEURS DE LA MARQUE. TOUS DEUX SONT JEUNES ET PROMETTEURS. MAIS ILS SONT AUSSI TRÈS DIFFÉRENTS. QU'EST-CE QUI LES LIE TOUS DEUX À MERCEDES-BENZ ?

Comme nous, Sven et Guy visent les meilleures performances, chacun à sa manière, mais au plus haut niveau. A ce niveau de 18 ou 19 points, on veut créer, pas copier. Il nous paraissait également très important d'avoir des ambassadeurs de différentes régions du pays, afin de pouvoir représenter la diversité culturelle de la Suisse. Quand je vois la passion avec laquelle Guy et Sven exercent leur métier, je suis fier de pouvoir travailler avec eux. Tous deux savent ce dont ils sont capables, mais restent modestes. Cela nous convient également: 70% des clients Mercedes-Benz font retirer la désignation du modèle à l'arrière du véhicule. Ils savent ce que leur voiture peut faire, mais ils n'ont pas besoin d'en faire étalage.

QUEL RÔLE JOUE LA CULTURE DE TABLE DANS VOTRE PROPRE VIE?

Ma femme est moitié Italienne, moitié Française. Nous avons vécu à Paris pendant sept ans et j'ai eu la chance de connaître presque tous les restaurants deux et trois étoiles de la ville. De mes lieux de vacances, je ramène toujours un livre de cuisine, au grand dam de ma femme. La culture de table joue un rôle important dans nos vies. Il m’importe d’avoir autour de moi des personnes qui comptent et de prendre du plaisir avec elles. Parfois, il suffit d’un pain au levain frais que je peux cuire moi-même grâce à la levure mère de Sven, d’un morceau de parmesan et d’un verre de vin. Car il s'agit de l'expérience des sens. Ma grand-mère disait toujours: «Il faut que ça ait du goût!»

QUE MANGEZ-VOUS EN FAMILLE LE DIMANCHE SOIR?

Nous mangeons chaud. Le week-end, toute la famille aime cuisiner ensemble. Ma fille et moi sommes responsables du salé, ma femme prépare le dessert et la salade. Cela donne par exemple un bar en croûte de sel accompagné de ratatouille et, pour finir, un gâteau au chocolat crémeux sans farine, ou un bavarois classique.

 LE FAIT DE VIVRE À PARIS VOUS A-T-IL INFLUENCÉ SUR LE PLAN CULINAIRE?

Mon père avait déjà une grande estime pour la bonne cuisine. Lorsque j'avais 25 ans, il m'a invité au Schwarzwaldstube de Harald Wohlfahrt, que je n'ai jamais oublié. A Paris, je suis probablement devenu un peu plus exigeant. On y mange souvent cette grande cuisine classique grandiose, mais sans surprise. J'aime l'effet de surprise, quand la conscience de la tradition va de pair avec un sens de l'innovation pertinent.

COMMENT MESUREZ-VOUS L'ÉVOLUTION DE VOS ATTENTES?

Par petites touches: à la maison, nous adorons par exemple manger du fromage de chèvre. De préférence français, une tradition familiale. Et pour cela, je me donne la peine de me rendre à Colmar chez mon fromager pour acheter du fromage parfaitement affiné.

DE LA GRANDE CUISINE FRANÇAISE CLASSIQUE À LA CUISINE D'AVANT-GARDE DE SVEN WASSMER, IL Y A DU CHEMIN. QU'EST-CE QUI VOUS FASCINE DANS LE TRAVAIL DE GRANDS CHEFS COMME SVEN OU GUY?

La cohérence et l’intransigeance, cette philosophie à laquelle ils ne dérogent pas. Le fait que Sven Wassmer se concentre sur la cuisine alpine naturelle et locale, tout en étant incroyablement innovant. La façon dont il encourage son équipe à créer une complicité avec le client pour rendre l'atmosphère d'un repas au Memories exceptionnelle. Cette notion de proximité, on la retrouve chez Guy Ravet à l'Ermitage; lui aussi utilise principalement des produits locaux et authentiques, et il fait preuve d'une grande créativité. Son credo: qualité-plaisir-joie. Je ne peux qu'y souscrire. Déguster ses pâtes ou son risotto me procure un immense plaisir.

À VOTRE AVIS, QU'EST-CE QUI FAIT LA DIFFÉRENCE ENTRE UN REPAS AU RESTAURANT ET UNE VRAIE EXPÉRIENCE?

Il existe deux types d'expériences. L’excellence familière en est une. J'adore les currywurst, par exemple, même s’il y en a de toutes sortes. La découverte en est une autre: ainsi l'omble de Sven servi avec une crème brûlée et de l'huile de sapin. Ce qui m’importe, c'est que l'on puisse toujours voir ce qu'il y a dans l'assiette.

MARC LANGENBRINCK, 52 ans, est PDG de Mercedes-Benz Suisse AG depuis 2017. Auparavant, il a notamment été président et directeur général de Mercedes-Benz France et directeur général de Smart. Marc Langenbrinck est originaire de Fribourg-en-Brisgau, il est citoyen allemand et français. Avec son épouse, ils ont trois enfants.