Photos: Julie de Tribolet
Le repas qui vous a le plus marqué?
Difficile de n’en citer qu’un. Certainement la découverte de la cuisine japonaise sur place. J’ai eu l’occasion de manger du fugu dans un restaurant doublement étoilé à Kyoto et c’était juste magique, le poisson est décliné en entier: filet, carcasse dont on rôtit une partie infusée avec du saké chaud servi en entrée. Il y a un respect total du produit dans ce pays que nous sommes loin d’atteindre chez nous où l’on jette beaucoup en passant à côté d’énormément de choses. J’essaie d’appliquer de plus en plus cette philosophie dans ma cuisine en déclinant la totalité d’un produit. Si je travaille une carotte fane par exemple, je vais tout travailler, utilisant autant la chair de la carotte pour la réduire en infusion, en bouillon, que la fane avec laquelle on fera des sauces. Avec la tomate, on travaillera autant le fruit que la grappe ou la feuille qui a beaucoup de goût.
Pourquoi avez-vous choisi le métier de cuisinier?
Je n’ai pas choisi. Du plus loin que je m’en souvienne, je n’ai jamais voulu faire policier ou voleur. A 14 ans je me rappelle que je me suis battu pour ne pas faire des stages dans différents métiers car il n’y avait que la cuisine qui m’intéressait. C’était dans les gènes, j’ai eu la chance de bien manger à la maison et d’avoir une maman qui cuisinait énormément et très bien. On recevait beaucoup le week-end, je me souviens que ma mère tenait un petit carnet avec le nom des invités et le menu qu’elle leur avait servi pour ne pas leur préparer deux fois la même chose. Elle le fait toujours! Moi aussi. Quand je propose un menu surprise à un client, j’ai une fiche le concernant pour ne pas lui proposer deux fois les mêmes plats.
Comment percevez-vous à ce propos les attentes de la clientèle?
Pour moi il est important d’anticiper les attentes de la clientèle, c’est ce que j’essaie de faire en ayant supprimé la carte et en proposant des menus surprises. Je vais ainsi au-devant de leurs attentes, je la déstabilise un peu, elle ne sait absolument pas ce qu’elle va manger, sauf peut-être en période de chasse mais sans savoir quoi ni comment. Je dirais que c’est plus facile en 2019, le client se laisse plus facilement déstabiliser qu’il y a vingt ans. Cela tient au fait que la cuisine s’est popularisé, via les réseaux sociaux, les émissions tv, les gens sont beaucoup connaisseurs et plus ouverts à la nouveauté ; cependant, il y a encore un côté très suisse chez nous, on n’aime pas trop l’inconnu, on n’ose pas se mouiller et se laisser aller à la découverte. Si je laisse le choix entre un menu écrit et un menu surprise c’est le premier qui est choisi, donc il y a encore une petite marche à faire gravir aux clients pour les emmener vers la découverte. Si on va manger chez un chef, c’est bien pour découvrir sa cuisine! Le tournedos Rossini, on peut le commander ailleurs!
Avec les clients véganes vous faites comment?
Comme j’ai des fauteuils en cuir dans toute la salle ils ne viennent pas, donc cela se passe très bien! (rires) Je n’en ai eu qu’un jusqu’à présent qui a accepté de s’asseoir dessus et de fermer les yeux sur certaines petites exceptions. Mais on adapte sans problème le menu surprise aux végétariens, voire aux véganes, ou en fonction de certaines allergies. Il y a des alternatives qui sont assez intéressantes, je suis en train de développer un concept alimentaire avec une salle de sports à côté du restaurant. On proposera toute une gamme de desserts par exemple sans lactose, sans gluten, moins sucrés. Pour la totalité des menus c’est plus difficile, j’aime trop la crème et le beurre!
Votre saison préférée?
L’hiver. La saison la plus riche à mes yeux est souvent la plus pauvre pour les autres. On a tous les agrumes et fruits exotiques que j’aime incorporer dans des plats salés pour ajouter de l’acidité, et tous les légumes racines de notre pays. Cerfeuil, panais… au niveau couleur c’est assez triste mais ces légumes ont énormément de goût.
>> La recette du riz au lait de son enfance:
Ingrédients
400g de riz rond
1,3 litre de lait entier
160g de sucre
1 gousse de vanille
3dl de crème fouettée
Préparation
- Blanchir le riz à l’eau bouillante salée. Égoutter et rafraichir.
- Chauffer le lait, le sucre et la vanille et y ajouter le riz blanchi. Cuire tout doucement en remuer très souvent. Lorsque le riz à absorbé tout le lait, contrôler la cuisson du riz et rajouter du lait si nécessaire jusqu'à cuisson parfaite de celui-ci. Refroidir.
- Au moment de servir les verrines, incorporer un peu de crème fouettée.