Photos: François Busson
Pourquoi la betterave figure-t-elle parmi vos légumes favoris?
Pour cette saveur de terre unique alliée à une douceur incomparable. Ce qui fait que l’on peut l’utiliser d’une multitude de manières: en salade, en entrée, bien sûr, mais aussi en accompagnement d’un poisson ou d’un dessert. J’ai la chance d’avoir un petit producteur dans la Vallemaggia qui m’en livre de petit calibre, c’est parfait pour ma cuisine.
Quel est le plat de votre enfance qui vous a laissé un souvenir inoubliable?
Je suis né en Allemagne, près du lac de Constance, de parents immigrés de la région de Bari, en Italie. Dans cette région de l’Apulie, on mange les cavatelli, de petites pâtes artisanales roulées, que ma grand-mère avait l’habitude de servir avec une sauce tomate dans laquelle elle faisait cuire des côtelettes de porc, préalablement grillées, pendant toute une journée. On mange d’abord les pâtes fraîches nappées de cette sauce tomate qui a pris un bon goût de viande, puis la côtelette elle-même. C’est une recette que j’ai encore plaisir à préparer pour ma petite amie.
Pourquoi avoir choisi le métier de cuisinier?
Parce que je suis pratiquement né dans une cuisine! Mon père, après avoir émigré en Allemagne à l’âge de 16 ans, a fait plein de petits boulots, comme maçon, avant de suivre les cours d’une école de cuisine à l’âge de 30 ans. Cinq ans plus tard, il ouvrait un restaurant au lac de Constance avec ma maman. Et moi, dès l’âge de 3 ou 4 ans, je traînais dans les jambes de mon père à la cuisine, je l’aidais à faire la pizza ou à cuire les pâtes dans les odeurs de sauce tomate et d’artichauts grillés… Mon frère aîné, Tommaso, a également contracté le virus: il tient l’Osteria Ticino, ici à Ascona.
Votre destination gastronomique préférée?
Je rentre tout juste d’un voyage de quatre mois en Asie, sac au dos, avec ma copine. On a vu les Philippines, Singapour, la Birmanie, la Thaïlande, le Vietnam, le Laos, le Cambodge, la Malaisie… On logeait le plus souvent chez l’habitant et c’était très intéressant de les voir cuisiner. Pas tant pour tenter de reproduire ces plats en Suisse, il y a déjà trop de chefs qui font de la cuisine fusion, mais pour découvrir de nouveaux coups de main. La cuisine des rues est particulièrement inventive en matière de techniques de cuisson.
Dans quel esprit cuisinez-vous ici au restaurant La Brezza?
Je privilégie les produits locaux dont la région d’Ascona-Locarno est particulièrement riche et je m’approvisionne en priorité auprès des agriculteurs, éleveurs et pêcheurs locaux. Ensuite, je tiens à ce que ces produits demeurent aisément identifiables dans l’assiette. Une carotte, même travaillée de différentes façons ou accommodée de manière à en sublimer le goût, doit conserver son identité de carotte.
On vous dit très influencé par la cuisine d’Andreas Caminada, désigné l’an dernier meilleur cuisinier d’Europe par un site américain.
J’ai travaillé deux ans pour lui et il m’a beaucoup appris, justement en matière de respect des produits. J’avais 21 ans, un gamin à peine sorti de l’école, le plus jeune en cuisine, et il m’a donc grandement influencé. C’est un pédagogue hors pair qui a su, très jeune, se donner les moyens d’atteindre ses objectifs. J’ai également beaucoup d’admiration pour le chef suédois Magnus Nilsson, qui ne sert à sa table d’hôtes que des produits issus de sa ferme. On pourrait très bien imaginer faire la même chose au Tessin, qui a un terroir très riche entre la montagne, la plaine et le lac.
Quel est le client qui vous a fait la plus forte impression?
Je me souviens d’une famille, les parents et deux enfants déjà grands, qui logeait ici à l’Hôtel Eden Roc et qui est revenue onze soirs de suite souper à ma table. Dès le premier soir, cette famille m’a laissé entière liberté: «Surprenez-nous», m’ont-ils dit. Mais au septième soir, j’ai dû leur avouer que je risquais de manquer d’inspiration pour la suite. Ils ont ri, avant de me dire que, pour éviter le mal de crâne, je pouvais tout à fait recommencer depuis le début…
Sponsorisé par Ascona-Locarno