Texte: David Schnapp Photos: Thomas Buchwalder, HO

Quel a été le moment le plus fort de cette folle année pour toi, en tant que cuisinier et entrepreneur?

Le Leuehof à la Bahnhofstrasse à Zurich est formidable: il marque la fin d’une année compliquée. Lancer un tel restaurant pop-up en ce moment demande du courage. Que cela se soit bien passé constitue assurément un moment fort.

 

Et le pire moment?

Cela n’existe pas dans mon vocabulaire. Je dirais simplement que cette année a été pénible: recevoir des directives, les mettre en œuvre, et à peine elles sont remises en route arrivent les prochaines règles. Se réinventer en permanence tout en motivant les collaborateurs fut épuisant.

 

Confinement, règles changeantes, horaires de fermeture: as-tu pensé à abandonner?

Non, pour moi c’est un défi qui me stimule. A chaque fois, on s’est demandé: «Qu’est-ce qu’on fait, maintenant?» Puis on a trouvé les réponses pour se lancer.

 

En 2019, vous avez lancé la Neue Taverne, un restaurant végétarien novateur, puis il y a eu le take-away et fin novembre le Leuehof: c’est un éventail assez large de formules. Cela en valait-il la peine?

Nous avons beaucoup appris. Avec les livraisons à domicile par exemple, nous n’avions aucune expérience et en avons tiré des enseignements précieux. Les restrictions nous ont toujours guidés vers de nouvelles voies. Deux services successifs ou des plats à partager n’étaient plus optimaux. Mieux valait un beau menu soigné que nous pouvions servir avec trois cuisiniers au lieu de quatre sans perdre de chiffre d’affaires. Le champ des possibles s’étend soudain lorsqu’on met en question ses certitudes et que l’on doit faire preuve de créativité pour faire face aux restrictions.

Nenad Mlinarevic kocht im PopUp in Zürich 2020

L'entrée du «Leuehof» se situe dans l'ancienne Banque Leu sur la Bahnhofstrasse de Zurich.

Quel est le meilleur plat que tu as servi en 2020?

Le «caviar des champs», les graines de kochia scoparia que nous servons à la Neue Taverne comme un caviar traditionnel: dans une petite boîte avec une crème au jaune d’œuf, du citron caviar, une émulsion à la ciboulette et des blinis. Ce plat a beaucoup fait parler de lui et, chaque soir, sur 80 convives, 30 à 40 en commandent.

 

Cette année, quelle est l’expérience qui t’a fait progresser ou qui t’a marqué?

Plutôt qu’un événement en particulier, devoir se réinventer en permanence, ne pas abandonner et finalement opérer un choix est très formateur. On apprend qu’en cas de crise, on doit réagir vite, moins parler et moins se lamenter.

 

Que dit ton comptable de l’année 2020?

Nous n’avons pas dû mettre la main au porte-monnaie, nous ne sommes pas dans les chiffres rouges et nous nous en sortons sans crédit, uniquement avec nos propres ressources et nos bonnes idées.

 

Le plus beau compliment que tu as reçu en 2020?

Enormément de gens se réjouissent que l’on continue sans baisser les bras. Comme partout, les convives arrivent au Leuehof avec un masque. Ensuite, lorsqu’ils le retirent, on peut voir que ce que nous préparons leur procure du plaisir. C’est motivant.

Weihnachtsmenü Bauernschänke

Le menu de Noël à l'emporter des «Bauernschänke».

Tu as dû annuler tes vacances. Où iras-tu quand il sera de nouveau possible de voyager?

Cela fait maintenant presque deux ans que je n’ai plus pris de vacances. Je les ai annulées à trois reprises en 2020, alors c’est un sujet sensible (rires). Mais je suis attiré par Hawaï, pour ne rien faire, pour une fois: la mer, la plage, bien manger, ne penser à rien – ça serait bien. Mais tant qu’il y a du désinfectant partout et que tout le monde se promène avec un masque, je n’ai pas tellement envie de partir.

 

Chez qui veux-tu absolument aller manger?

J’aimerais impérativement retourner à la Chef’s Table au Roten Wand à Lech. Max Natmessnig est un très bon cuisinier et un collègue sympathique. Nous nous écrivons de temps en temps et ce n’est pas si loin.

 

Dernièrement, les légumes se sont imposés pour beaucoup de grands cuisiniers, il y a une demande pour la cuisine végétarienne et végane. Qu’est-ce qui se prépare?

La cuisine régionale est devenue une évidence; de même, la cuisine végétarienne et végane va s’installer et a encore beaucoup de potentiel. Mais je pense aussi que des classiques intemporels ont du succès. Au Leuehof, nous servons des gnocchis à la sauce tomate pour lesquels nous recevons beaucoup de compliments, car la sauce est préparée avec beaucoup d’amour et mijote durant toute une nuit.

 

Que fais-tu de ton temps libre?

Je fais du vélo de course et me prépare pour l’épreuve Chasing Cancellara en août prochain. En hiver aussi, dès que j’ai un peu de temps libre, j’enfourche mon vélo. C’est la meilleure façon de m’aérer l’esprit.

Sergio Herman @Padrutts Palace Hotel 2019

Une inspiration pour Nenad: Sergio Herman (ici à St. Moritz en 2019).

Nenad Mlinarevic Pop-up Restaurant

«La cuisine végétarienne a beaucoup de potentiel»: Nenad Mlinarevic.

Qu’est-ce qu’il y a toujours dans ton frigo à la maison?

Il y a toujours du lait de soja à la vanille parce que j’apprécie le cappuccino.

 

Qu’est-ce que tu ne manges jamais, par principe?

Je ne mangerais jamais d’escargots. Je trouve également les insectes passablement inesthétiques.

 

Que manges-tu quotidiennement?

Des fruits dans tous les cas, bananes ou mandarines par exemple.

 

Quel est le meilleur post Instagram que tu as vu cette année?

Le compte de Sergio Herman m’inspire. Quelqu’un qui avait 3 étoiles et 20 points mais qui, en cas de nécessité, peut aussi remplir des centaines de boîtes de tiramisu à emporter. C’est également ainsi que je vois les choses: il faut simplement passer à l’action.