Propos recueillis par Knut Schwander | Photos: Vincent Calmel & Theus Productions
Du jamais vu à Genève. A 28 ans, Othmane Khoris (en grande photo ci-dessus) s’apprête à lancer un projet novateur. Il faut dire que ce jeune pâtissier a déjà plus d’un succès à son actif. Ambitieux, ce Parisien qui a travaillé avec Yannick Alléno, puis à Dubai et aux îles Caïman, s’est retrouvé en Suisse suite au Covid. Aussitôt arrivé à Gstaad, à l’hôtel Alpina, le voici élu Pâtissier de l’année du GaultMillau 2023. Mais dès le mois de février, ou mars selon les autorisations, c’est à Genève, au 3 rue du Rhône, qu’il inaugurera son restaurant signature: Othmane Khoris. Un resto-gastro-sucré! Interview avec un passionné qui vise le succès international.
Othmane Khoris, vous êtes pâtissier et vous allez ouvrir un restaurant?
Oui! J’ai toujours été attiré par la cuisine. C’est le projet d’une vie, la consécration de dix ans de réflexion. Khoris ne sera pas juste une pâtisserie-boutique comme il y en a d’autres, mais un restaurant gastronomique sucré! Un concept unique.
Concrètement, comment se présentera votre arcade de la rue du Rhône?
Pour l’aménagement, nous avons fait appel à un architecte d’intérieur d’envergure internationale: Jorge Cañete. Il y aura une partie dédiée à la vente à l’emporter et une autre permettant de servir 14 couverts, pas plus. Là, nos clients pourront déguster des desserts à l’assiette, toute la journée. Et deux jours par semaine, l’ouverture sera prolongée le soir pour permettre de déguster nos menus.
Une pâtisserie 2.0, en quelque sorte?
Exactement. Nous allons proposer une cuisine différente, basée sur des goûts novateurs, tout en intégrant des grands classiques comme le riz au lait. Car à force de vouloir faire original, on risque aussi de se perdre. Il y aura aussi des bonbons au chocolat, notamment, qui seront intégrés à un menu allant jusqu’à neuf plats de desserts.
Et vous pensez qu’il y a une clientèle pour un tel concept?
Même si notre concept sera unique, on peut le comparer à Coda dessert dining à Berlin, à Sarkara à Courchevel, ou à Chikalicious dessert bar de New-York. Les deux premiers ont 2 étoiles au Michelin, ce qui montre bien qu’il y a un intérêt et une clientèle intéressée par ce type de démarches.
Un repas entièrement sucré, ce n’est pas écoeurant?
Au contraire, c’est une symphonie de produits sucrés ou semi-salés en quête d’umami. Je suis en plein dans les essais. Je travaille le plus possible sans sucre ajouté. Je me concentre sur des extractions, notamment, comme j’ai appris à le faire avec Yannick Alleno.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Selon les saisons, les plats intégreront des salades de fruits, séchés notamment. Le tout de manière très sophistiquée, comme on ne l’attend pas: fraises des bois ou tomates, mais aussi shizo. Je compte développer et promouvoir une cuisine végan sucrée. A ce titre, mon titre de Pâtissier de l’année du GaultMillau 2023 est une consécration qui va sans doute contribuer à vaincre les éventuelles réticences du public.
Comment vous est venue cette idée?
Pour moi, ce qui importe, c’est de changer les codes de la cuisine et de faire parler de nous en Suisse, puis dans le monde entier. Comme la Suisse est d’abord connue pour son chocolat, je vais bien sûr miser sur ce produit, mais différemment. Je vais essayer de le faire rayonner à l'international.
Envisagez-vous une chaîne internationale?
Genève sera notre premier point de production et de vente. Sur le plus long terme, il y en aura peut-être deux ou trois autres, mais pas plus. En revanche, nous déclinerons certains produits à plus large échelle. Un développement basé sur des partenariats, avec de grandes écoles hôtelières notamment.
Quel sera le prix de vos menus?
Nous sommes encore en train de développer notre offre. Mais nous envisageons une fourchette de prix allant de 150 à 180 francs. Ils mettront prioritairement en valeur les produits suisses, ou européens. Pour le chocolat, qui ne peut pas être suisse, il sera néanmoins transformé en Suisse, par la maison Felchlin.
Et les vins?
Nous allons développer une offre de thés et de cafés rares. Contrairement à ce que l’on trouve en Chine ou en Inde, ce sont des produits sous-exploités en Europe. L’alcool ne me parle pas.
Combien serez-vous pour faire tourner cette entreprise?
Nous sommes une vingtaine à développer ce projet. Au laboratoire, nous serons sept au début sur le site de production à Plan-les-Ouates, où nous produirons les pâtisseries, les chocolats, les pains… et où nous organiserons aussi des master class et des tournages de vidéos.
Tout cela représente des coûts considérables: vous vous lancez seul?
J’ai trois associés, tout en restant majoritaire et fondateur. Comme moi, ils sont passionnés, mais pas actifs dans la restauration: Mohamed N’dao est actif dans le domaine du pétrole et développe des projets autour du cacao au Bénin; Ali Kheloui est dans la finance; et le troisième qui préfère rester anonyme vient du domaine de la pharma.
Comment vous voyez-vous dans cinq ans?
Je ne veux pas faire que de l’argent. Notre projet a deux buts principaux. D’une part, promouvoir une nouvelle vision de la gastronomie, la mienne, d’autre part, promouvoir les jeunes talents me tient vraiment à cœur.