Photos: François Busson
Pourquoi aimez-vous tant les agrumes ?
Parce qu’ils demeurent pour moi des fruits de fête. Gamin, je recevais toujours un filet de clémentines à Noël et leur parfum a conservé quelque chose de magique. C’est un produit universel qui est utilisé dans toutes les cultures gastronomiques parce qu’il apporte de la niaque à toutes les préparations. Si vous voulez donner du peps, de la fraîcheur à une sauce, rien ne vaut l’acidulé des zestes d’agrume. La véritable mandarine, malgré tous ses pépins, demeure un must dans une sauce pour accompagner un poisson ou une viande blanche. Et il y a une telle diversité! Je suis en train de découvrir le citron noir d’Iran, un citron vert laissé sécher sur l’arbre, d’une finesse remarquable tant en ce qui concerne l’acidité que l’amertume, avec des arômes d’épices et de thé.
Quel est le plat de votre enfance qui vous a laissé un souvenir ému?
Petit-fils de paysan auvergnat, j’ai plein de souvenirs d’enfance liés aux produits que cultivait mon grand-père, que cuisinait ma grand-mère et que l’on mangeait le week-end et durant les vacances. Leur ferme en polyculture fonctionnait pratiquement en autarcie et ma grand-mère savait souvent six mois à l’avance ce qu’elle allait cuisiner pour le grand repas des moissons ou des vendanges afin de commencer à engraisser les lapins ou les volailles qui allaient finir dans le fourneau. Mais je me souviens surtout des crêpes de ma grand-mère, car c’est vraiment un plat festif qui favorise la convivialité, que l’on soit gamin ou adulte. Et il y a un côté magique dans la crêpe. On prend des ingrédients basiques et on les mélange pour former une pâte qui n’a rien d’alléchant mais qui dans la poêle donne ce magnifique disque doré (ndlr: recette à la fin de l’interview). Ça reflète bien ma conception de la cuisine: sublimer des produits simples.
Qui cuisine à la maison?
Ma femme, pour la bonne raison que je ne suis presque jamais là en semaine et que j’adore sa cuisine. Elle prépare des choses simples, mais c’est toujours goûteux et, le plus important, fait avec amour. Elle n’utilise aucun aliment industriel et ne cuisine que des produits frais, sans jamais rien jeter. Ses tartes aux fruits et ses champignons farcis sont extraordinaires! Pour bien cuisiner à la maison, il suffit d’aimer faire plaisir. Après, quand vous en faites un métier, il y a d’autres paramètres qui entrent en ligne de compte…
Quelle est votre saison préférée?
Je ne travaille qu’avec des produits de saison. J’accompagne la saison avec ma cuisine et, donc, je ne travaille pas dans le même esprit au printemps et en automne. En hiver, on est amené à proposer une cuisine plus épicée, plus chaude, alors que le printemps est la saison de la fraîcheur et de la légèreté. C’est celle que je préfère. Car si chaque saison amène son lot de produits, l’abondance printanière est unique. Chaque semaine, c’est un nouveau légume ou fruit qui arrive sur la table (radis, asperges, fraises…) et souvent pour un temps très court. Pour moi, l’année commence au printemps: on fait une espèce de reset et on repart sur de nouvelles bases.
Est-ce que vous avez l’impression que vos hôtes sont aujourd’hui un peu plus attentifs aux saisons, qu’ils ne s’attendent plus à manger des tomates ou des courgettes en hiver?
Les gens sont effectivement plus sensibilisés à ce genre de problématique. Il y a encore du travail à faire quand on voit les étals des supermarchés à Noël, mais j’ai l’impression que leurs fraises, framboises et asperges leur restent de plus en plus souvent sur les bras.
Le client qui vous a le plus touché?
Il s’agit d’une cliente, une dame d’un certain âge venue souper avec son époux. Lorsque je suis passé en salle à la fin du repas, elle venait de finir le plat principal et m’a déclaré avec un immense sourire qu’elle venait de faire le plus beau repas de sa vie. Elle avait juste une petite frustration, c’est qu’elle avait encore de la sauce au fond de son assiette et que ça la dérangeait vraiment de la laisser tellement elle était bonne. Je lui ai alors dit de ne pas la laisser, de se faire plaisir. Elle s’est alors emparée de son assiette pour la lécher consciencieusement… J’ai trouvé ça fabuleux. Je me suis dit: «Ça, c’est la classe!» Elle m’a fait, sans paroles, le plus beau compliment que l’on puisse faire à un chef. J’ai encore les larmes aux yeux à chaque fois que je raconte cette histoire…
>>La pâte à crêpe de Jean-Yves Drevet
Ingrédients
160g de farine
3 œufs fermiers
5dl de lait
1 pincée de sel
1 pincée de sucre
Préparation
- Verser la farine avec le sel et le sucre dans un saladier et former un puits pour y verser 3 dl de lait.
- Mélanger délicatement au fouet, puis ajouter les œufs battus à part et les reste de lait.
- Laisser reposer au moins une heure au frais.
- Faire chauffer une poêle antiadhésive et la huiler très légèrement.
- Y verser une louche de pâte, la répartir dans la poêle puis attendre qu'elle soit cuite d'un côté avant de la retourner.
- Cuire ainsi toutes les crêpes à feu moyen.