Cuisiniers ambitieux. Le 10 février dernier, João Coelho explosait de joie en soulevant le trophée du Cuisinier d’Or sous une pluie de confettis dans le Kursaal de Berne. A 25 ans seulement, le sous-chef du Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier (19/20) venait de remporter la plus prestigieuse récompense gastronomique suisse, cinq ans et demi seulement après son arrivée sur les bords du Léman. Le natif de Porto n'est pas le seul à faire preuve d'excellence et d'ambition. Il partage ces qualités avec quelques-uns de ses compatriotes, et amis portugais, qui font les beaux jours de la gastronomie romande. On retrouve ces humbles travailleurs acharnés à des postes prestigieux dans les plus belles adresses, ou aux commandes d’entreprises à succès. Et cette «seleçao» gastronomique n’a pas choisi la Suisse par hasard. C’est l’excellence ou rien.
 

Joao Coelho cuisinier d'or

Cinq années ont suffi à João Coelho pour rencontrer le succès.

Plat de poisson Joao Coelho cuisinier d'or

Ce sandre accompagné de céleri-rave et de cerfeuil a permis au cuisinier de briller avec son plat de poisson.

Plat de viande cuisinier d'or 2025

Le plat de viande vainqueur du concours s'articulait autour du bœuf, du genièvre et de la poire. 

Talent précoce. Alors qu'il n'avait que 15 ans, João Coelho rêvait déjà d’intégrer la brigade de Crissier. Apprenti et déjà désireux de faire ses preuves, l’adolescent a, à 17 ans, remporté la finale nationale du Concours Jeunes Talents de la Gastronomie. Il fut vite repéré par Vitor Matos. Ce Portugais, chef le plus étoilé de son pays, et qui a d’ailleurs grandi et s'est formé à Neuchâtel, a rencontré João Coelho lors d’un stage dans son restaurant deux-étoiles, l’Antiqvvm, à Porto. Et il ne tarit pas d’éloges à son sujet: «João a tout ce qu’il faut pour réussir, il aime la technique, la précision, il a cet état d’esprit qui le pousse toujours vers la perfection. Il a aussi cette persévérance, cette intégrité et il n’a pas peur de dire qu’il veut arriver au sommet.»

 

Comme Cristiano. Goût du travail, volonté de briller, celui qui gère désormais la partie produits de la mer à Crissier affiche ses intentions sans fausse modestie, prenant exemple sur l’idole de son pays natal: «On travaille dans le but d’atteindre le plus haut niveau possible. Comme Cristiano Ronaldo, qui vise toujours le sommet et s'entraîne toujours pour être le meilleur.» Aussi fier de ses origines que CR7, le cuisinier constate l’évolution du Portugal dans la gastronomie mondiale: «Côté formation, on n’a pas encore atteint le niveau de la France, qui est un grand pays de culture gastronomique. Mais depuis cinq ans environ, c’est en train de changer.» 

Vitor Matos

Né au Portugal, Vitor Matos est arrivé à Neuchâtel à neuf ans. A 18 ans, fort de ses CFC de cuisinier et de pâtissier, il est reparti au Portugal pour créer son empire gastronomique.

Plat Vitor Matos

Vitor Matos est aujourd'hui le chef le plus étoilé du Portugal avec un restaurant 2 étoiles et trois 1 étoile.

Nouvelle destination. Une prédiction qui pourrait bien vite se confirmer, si l’on en croit les signaux envoyés depuis le pays qu’on a longtemps cantonné, non sans un certain snobisme, aux bacalhau et pasteis de nata. Un territoire qui célèbre cette année la naissance de son premier Guide Michelin, libéré de son voisin hispanique dont il partageait jusque-là l’édition. Gwendal Poullennec, Directeur international du guide, justifiait ainsi cette émancipation lors de la cérémonie qui s’est tenue en février dernier à Porto: «Le Portugal s'affirme avec éclat sur la scène gastronomique mondiale, porté par une dynamique ascendante qui en fait aujourd’hui une destination incontournable pour les passionnés de gastronomie. Les chefs portugais démontrent un engagement sans faille envers l’environnement et l’excellence culinaire.» 

Bosseurs acharnés. João Coehlo est loin d'être le seul Portugais à briller chez nous. Filipe Fonseca Pinheiro, chef de cuisine de Franck Giovannini à Crissier, fait partie de ceux-là. Formé à l’école hôtelière de Thonon, passé par chez Troisgros, le Portugais d’origine né en France, qui a intégré la brigade de Crissier alors dirigée par Philippe Rochat, se souvient: «Quand je suis arrivé, j’étais le seul Portuguais en cuisine. Aujourd’hui, nous sommes quatre dans la brigade.» Lui aussi est une bête à concours. Il a remporté le Bocuse d’Or Suisse en 2016 et le Cuisinier D’or en 2015. Ce fan de foot vante les qualités de ces compatriotes: «On est des bosseurs, on n'a pas peur du travail. Mais on est toujours très à l’écoute de ce qu’on nous demande, et de ceux qui peuvent nous apprendre des choses.» 

Filipe Fonseca Pinheiro

Filipe Fonseca Pinheiro est, aux côtés de son ami d'enfance Damien Facile, le chef de cuisine de Franck Giovaninni.

Exemples inspirants. Un point de vue partagé par Jorge Cardoso, Portugais le plus titré du monde dans le domaine de la pâtisserie. Talent précoce, il a été récompensé du titre de meilleur apprenti du Canton de Fribourg en 2014 et a décroché deux fois le titre de Champion du Monde à la Culinary World Cup au Luxembourg. Arrivé en Suisse à 17 ans, ce Fribourgeois d’adoption se souvient: «Là où j’ai commencé dans le métier, j'étais le premier Portugais à faire mon apprentissage.»

 

Assurer la relève. Devenu une référence dans son domaine, celui qui avoue a un temps hésité à apposer son nom portugais sur ses boutiques de chocolat confie être de plus en plus sollicité pour former les jeunes de son pays natal: «Il y a de plus en plus de volonté de se perfectionner, d’atteindre le plus haut niveau. Les jeunes sont de plus en plus motivés par ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux.» Et de telles stars sont là pour les fasciner, assurant la relève.
 

Jorge Cardoso Roger Federer statue chocolat

Jorge Cardoso ne pouvait pas manquer de créer cette statue en chocolat de Roger Federer.

Tiago Jesus et Gilberto Ferrinho, Nau, Lausanne

Tiago Jesus et Gilberto Ferrinho, sont associé lui aussi portugais ont ouvert le Nau en septembre 2004.

Cuisiniers explorateurs. Autre belle réussite, Tiago Jesus, devenu Champion du Monde des Ecaillers en 2022, un titre acquis à la force du poignet pour ce fils d’un éleveur de bétail arrivé en Suisse en 2011. Passé par le Grand Hotel Suisse Majestic de Montreux, puis par le Beau-Rivage Palace et le Lausanne Palace, celui qui s’est pris de passion pour les coquillages par hasard dirige aujourd’hui son propre restaurant, avec son associé et compatriote Gilberto Ferrinho, ex chef du 57°Grill au Château d’Ouchy à Lausanne.

 

A la conquête du monde. Au Nau, ils proposent une cuisine de brasserie, à base de produits, et notamment de produits de la mer, rigoureusement sélectionnés. Une simplicité, une authenticité et une volonté de faire le meilleur qui sont un peu la marque de fabrique de ces cuisiniers qui, comme leurs ancêtres, ont un jour quitté leur terre natale pour conquérir le monde. Avec un certain succès…

 

Photos: Lino Silva, Olivia Pulver, Cuisinier d'Or, Romain Wanner, DR.