Texte: Knut Schwander Photos: Matthieu Cellard
Vendu, l’emblématique Beau-Rivage, à Genève, n’a pas perdu son âme dans l’aventure: il demeure le palace emblématique de la ville, garant d’une élégance opulente, comme le Ritz à Paris ou le Sacher à Vienne. Mais, nous vous l’annoncions en primeur, voilà que Dominique Gauthier, le chef et «Cuisinier de l’année» 2015 (18/20), est parti. Heureusement, son second depuis quatre ans, Mathieu Croze, est passé chef. Formé chez Anne-Sophie Pic et Cyrille Lignac, notamment, il a la prestance d’un capitaine de navire dans la vaste cuisine du Chat Botté. Nous sommes allés découvrir son premier menu.
Swiss Deluxe Hotels oblige! Pour que la prestation soit optimale, le chef est bien entouré. De Kevin Ollivier, notamment, le talentueux pâtissier qui réalise des desserts exemplaires. En ce moment, il magnifie la framboise, mais surtout la figue et la sauge en mariage aussi heureux qu’inattendu, avant les mignardises exquises, comme cette guimauve géranium-framboise. Côté salé, le menu décline des prémices d’une magnifique modernité, puis des plats qui rendent hommage à la grande tradition, au point de donner l’impression de déguster deux menus successifs.
Modernité graphique et délicate. Tout commence par cette tartelette artichaut-pistache, ce bonbon orange-olive et cette rigolote boulette de pâte farcie au chèvre et au citron. C’est frais, original et stimulant. En passant, on tartine un excellent beurre de crème de la Gruyère sur son pain, avant de voir arriver ce gracieux dressage de tomate et pastèque en billes. Une eau des deux mêmes fruits, vivifiante et vinaigrée, les nappe en siphon aérien, alors qu’une dentelle de tuile coiffe le tout. Mais voici déjà le tendre saumon de Lostallo fumé au foin, en gracieux équipage japonisant de guacamole, de radis roses et noirs. Une huile piquante fouette le tout, alors qu’une mayonnaise voluptueuse répond au croquant de quelques éclats d’amendes. Excellent!
Tradition célébrée. Le caviar de Sologne donne ensuite la réplique à la mousse d’omble du Léman dressée en fleur dont les pétales se composent de lamelles de champignons. Si la mousse déçoit par sa texture grumeleuse, la sauce à l’oignon caramélisé qui la nappe est quasi divine. Avec bonheur, on retrouve les saveurs caramélisées dans un plat d’une toute autre trempe, très classique cette fois: le rouget cuit à l’unilatérale. Deux sortes d'artichauts l’accompagnent et la sauce est à nouveau remarquable. Puis l’on passe dans un registre très traditionnel et presque bistrotier. Avec la joue de bœuf fondante, escortée de bouchons de röstis coiffés de branchettes de brocolis un peu anecdotiques. Une fois encore, on reconnaît en Mathieu Croze un saucier émérite, qui semble en revanche peu séduit par la cuisine végétale.
Service charmant et attentionné. En salle aussi, l’équipe à évolué. Pour gérer une brigade jeune et attentionnée, Aymeric Le Vot, directeur du restaurant est venu du Berceau des sens (EHL, Lausanne). Et si la spectaculaire cave recèle des trésors, ce sont à présent Mikael Grou et son jeune acolyte sud-africain Dewald Coetsee qui proposent des accords mets-vins subtils et pertinents dénichés de Genève jusqu’en Nouvelle-Zélande en passant par les grands crus français. A l’évidence, le Chat botté ne ronronne pas!