Texte: Knut Schwander Photos: Gourmet Brothers, HO
A l’occasion de la journée mondiale du végétarisme, Benjamin Luzuy, 37 ans, deux enfants, étend son offre dans le registre sans viande. Un nouveau pari pour cet entrepreneur intrépide et créatif qui avoue que, sans ses équipes, il serait au mieux «à la tête d’une table d’hôtes pour 8 convives». Mais là, il lance projet sur projet, de Genève jusque dans le Pouilles. Et il n’hésite pas à associer plats végétariens de haut vol et grand millésimes de Château Palmer. Éloge de la gourmandise végétarienne.
Est-ce la journée mondiale du végétarisme qui vous a poussé à vous intéresser à la cuisine sans viande?
Nous proposons des plats végétariens à nos clients depuis longtemps! Que ce soit avec le service traiteur ou dans les restaurants que je supervise. Il ne s’agit donc pas d’une découverte ou d’une révolution. Mais ce thème se profile de plus en plus en avantage compétitif. Il répond à une demande croissante, même là où on ne l’attendait pas il y a encore quelques années.
Quelles sont ces nouvelles demandes?
Elles viennent notamment de dirigeants de grandes sociétés et de patrons de banques. Certains sont végétariens ou alors, ils veulent mettre à l’aise leurs invités et leurs employés qui le sont. Et ils sont exigeants. Ils demandent du gourmand, du nourrissant, du créatif et du fun.
Du coup, vous êtes passé aux «fausses viandes»?
Plutôt que les fausses viandes, nous cherchons à contourner cette problématique avec des produits naturels et de proximité. Les plats végétariens sont actuellement un pan important de notre offre. Et j’insiste, il ne s’agit pas juste de bien dresser des accompagnements! Nous voulons proposer des plats aboutis.
Concrètement, comment faites-vous?
En tant que patron, j’ai trouvé intéressant d’envisager le végétarien comme un challenge et pas juste comme une nouvelle contrainte. Et j’avoue que je suis très fier de voir mes équipes relever de ce challenge. On fait des recherches avec des œufs, des champignons, des cèpes… Même en plein hiver, quand les légumes racines dominent, nous poussons la démarche en les complétant avec des céréales, en ayant recours à des fermentations pour obtenir des goûts plus marqués, tout en restant dans un registre équilibré et sain.
Mais pour une partie du public, le végétarien évoque la nourriture de clinique, non?
C’est amusant que vous posiez la question, parce qu’on a justement composé des menus pour une clinique spécialisée dans la santé et la longévité: c’était passionnant, parce que là comme ailleurs, je veux promouvoir une cuisine élaborée et épicurienne. Une cuisine qui convient aussi bien à des grands dîners.
Et des grands dîners végétariens, vous en avez réalisé?
Oui on a fait l’exercice plusieurs fois. Récemment, lors d’un dîner assorti de différents grands millésimes vins château Palmer. Des vins tanniques à trame forte. Alors on a poussé le végétal, on a travaillé l’umami et même les gens du château ont été bluffés.
Comment étaient ces plats?
Ça a été un pari! Nous avons joué sur les textures et rehaussé les brocolis avec un corail d’épices et des notes de saté. Avec la touche de citron confit, c'était exceptionnel! Pour les plus vieux millésimes, nous avons joué sur des notes de sous-bois, avec des dashis de champignons fumés et aubergine brûlée, ou encore avec une composition de cèpes à la boule de Belp et aux olives noires séchées: ça m’a moi-même bluffé!
Ce n’est donc pas vous qui élaborez chaque plat?
Je suis chef d’orchestre. C’est moi qui mets en place les équipes, mais ensuite, je suis surtout là pour mettre de l’huile dans les rouages. La cuisine, j’adore. Mais seul, je pense que j’aurais une table d’hôtes pour 8 convives! Mes chefs sont bien plus pointus que moi. C’est toute mon équipe qui me permet de lancer autant de projets en parallèle.
Quels sont ces projets?
Il y a Gourmet Brothers, la boîte d’événementiel. C’est une société heureuse, un vrai filtre à talents centrée sur les valeurs humaines plutôt que techniques et qui fonctionne très bien. Puis Bottle Brothers - deux à Genève et un à Lausanne -, le Café de la Plage au Grand Théâtre, où le chef Jacopo Romagnoli est une de mes découvertes aussi bien amicale que professionnelle. Et la Comédie, plus populaire. Mais partout, on pousse le végétarien.
Et il y a la crèperie, le Blé Noir…
Oui, car j’ai des attaches bretonnes. Et c’est ma femme, qui a grandi a dix kilomètres de là où j’ai passé mes vacances d’enfance, en Bretagne, qui la dirige. Là aussi, on cherche à révéler la crêpe un peu autrement: avec des cèpes, du parmesan de 24 mois, des asperges et des morilles, selon la saison.
Et c’est tout?
Pas tout à fait. Il y a la fondation Bird House, à Vernier (GE), avec son restaurant d’insertion qui forme des jeunes en situations compliquées. Un projet qui me tient à cœur, car il n’est pas centré sur la rentabilité, mais qui est orienté qualité et formation, en servant 300 couverts par jour. Enfin, il y deux projets hôteliers dans les Pouilles: une ancienne masseria à Fasano et le Palazzo Lecce, au coeur de cette ville dont je suis tombé amoureux…