Texte: Urs Heller

Le miracle du Noirmont. La petite commune jurassienne du Noirmont compte 1957 habitants. Parmi eux, douze sont cuisiniers. Tous travaillent à la Maison Wenger, surprenant restaurant gastronomique situé au cœur du village. Jérémy Desbraux (18/20, deux étoiles Michelin, photo ci-dessus) en est le chef et il conduit son équipe vers les sommets. Après quatre mois de rénovation, son restaurant est méconnaissable: lumineux, stylé, conçu jusque dans les moindres détails. Tout cela au beau milieu des Franches-Montagnes, loin des grandes villes! Ce relatif isolement ne pose aucun problème à Jérémy Desbraux: «Les clients viennent de partout pour s'attabler chez nous. De Lausanne et Genève, mais aussi de Zurich, Bâle et Lucerne.» Le chef a fait du Noirmont une destination gastronomique après que Georges Wenger («Cuisinier de l'année» 1997, invité d'honneur le jour de la réouverture) en a jeté les bases par son inlassable travail. Aujourd'hui, Jérémy Desbraux et sa compagne Anaëlle Roze poursuivent cette success story avec énergie et de nouvelles idées.

Ein eingespieltes Team: Jérémy Desbraux und Anaëlle Roze. Eine Frau vom Fach: Sie war fünf Jahre Köchin in Le Noirmont.

Jérémy Desbraux et Anaëlle Roze, laquelle a cuisiné pour Georges Wenger.

«La patronne dirige tout» Le jeune couple a entièrement repensé les lieux (retrouvez notre interview du chef). En septembre, ils rouvriront aussi leur petit hôtel (huit chambres, complètement rénovées). Ils ont continué à payer les salaires de leurs employés même pendant ces longs travaux! Ainsi, l’équipe est restée soudée. Elle peut maintenant redémarrer à plein régime dès le premier service le 5 mars, sans aucune faiblesse visible. Les tâches sont clairement réparties: Jérémy est le chef aux fourneaux. Il est évident qu’il vient de l'école de Crissier: les douze cuisiniers portent, comme chez Franck Giovannini, foulard et toques hautes. L'épouse de Jérémy, Anaëlle, dirige quant à elle la brigade de service de huit personnes (qui compte… trois sommeliers!). Cuisinière de formation, elle a travaillé pendant cinq ans auprès de Georges Wenger, à tous les postes. «La patronne dirige tout», dit le chef sommelier Antoine Sicard, impressionné. En salle, la brigade est toute de noir vêtue: costume noir, cravate, pas de baskets. Les clients, eux, viennent à la Maison Wenger nettement moins élégamment habillés.

Hanf(öl) am Lauch! Eine verblüffende Vorspeise.

Des poireaux à l'huile de chanvre pour une entrée époustouflante.

Konzentration ist alles: Chef Jérémy beim Anrichten.

Le chef Desbraux concentré sur son dressage.

Darf in keinem Menü fehlen: Das Überraschungs-Ei.

L'incontournable œuf-surprise, aux pleurotes pour cette fin d'hiver.

Visite chez les cultivateurs de chanvre. Pendant les quatre mois de travaux, Jérémy Desbraux a également été à la recherche de nouveaux producteurs. Il a trouvé son bonheur, notamment à la ferme bio de Trois-Rods à Boudry (NE). Le chanvre y est aussi cultivé, par exemple pour en extraire une huile assaisonnant des poireaux. Un plat élégant, et innocent, le chanvre ne nous ayant pas rendus «high», mais heureux. Tout comme l'a fait la somptueuse noix de Saint-Jacques caramélisées de Normandie, accompagnée de jus de chou rouge fermenté au sel de Bex (VD). Un spectacle visuel au goût exaltant.

Meisterwerk: Saibling aus Soubey mit Liebstöckel-Sauce.

L'omble de Soubey est un chef-d'œuvre avec sa sauce à la livèche.

Dreimal Lamm der Extraklasse, serviert in grossartiger Bouillon.

L'agneau en trois pièces est servi dans un bouillon façon irish stew.

Monsieur Ben et l'œuf surprise. Jérémy Desbraux cuisine au Noirmont depuis 2019, et un plat figure toujours dans son menu dégustation: l'œuf surprise, «toujours sous de nouvelles variantes», précise Anaëlle Roze. Il contenait cette fois-ci des pleurotes de Monsieur Ben, un cultivateur de champignons également connu pour ses morilles. 

 

Saumon de Soubey et «stew» de Sisteron. À la suite dans ce superbe menu, un feuilleté de salsifis et de truffes noires accompagné d’un velouté parfumé au vin jaune. Puis, l'omble chevalier de Soubey que le chef enferme dans une surprenante croûte de blé et accompagne d'une sauce mousseuse à la livèche. Ici, on vous ressert des sauces à volonté, «pour le plaisir». Puis, le sommet du menu: le dos, le filet mignon et la côtelette d’agneau de Sisteron, servis dans un bouillon époustouflant. Une bière noire de Courroux, légèrement amère, donne son goût à cette soupe que les invités dévorent jusqu’à la dernière goutte. «J’ai travaillé en Irlande, ajoute le chef. L'inspiration pour ce plat vient de l’irish stew». Permettez-moi de le dire: un irish stew aussi fantastique, on ne le trouve pas en Irlande!

Käsewagen aus dem Jura, der ganze Stolz von «Cheese Man» Luiz Vuillemin.

Le chariot à fromages du Jura, la fierté de Luiz Vuillemin.

Le détail compte. Ce menu de la Maison Wenger est une œuvre d'art dont aucun détail n’est négligé. Quatre pains sont cuits deux fois par jour et servis chauds. Trois chariots roulent devant les invités: champagne, digestifs – et fromages! Un véritable spectacle à roulettes, avec le meilleur des fromages suisses et du Jura français, fièrement présenté par Luiz Vuillemin. Quant à la carte des vins, elle est gigantesque, surtout en ce qui concerne les vignerons suisses et ceux de la région des Trois-Lacs, où figurent Anne-Claire Schott, La Maison Carrée ou encore la cave Keller am See. Rien que le meilleur, tout simplement. «Rien d’autre n’est acceptable pour le chef», affirme le sommelier Antoine Sicard.

 

Le restaurant La Maison Wenger au Noirmont

 

Photos: Thomas Buchwalder