Texte: GaultMillau Suisse | Photos: Darrin Vanselow
Grande image ci-dessus: Sarah Stäubli et Valérie Peyre

Valerie Peyre, vous êtes tea master, soit une spécialiste reconnue et certifiée du monde du thé. En créant la marque Chanoyu avec Jürg Stäubli et sa fille Sarah, quelles étaient vos ambitions?

Valérie: Il n’y avait pas de marque suisse sur le marché du thé de haut de gamme, notamment pour l’hôtellerie et la restauration de prestige. Nous avons donc développé une offre sur mesure. Des thés adaptés aux situations de chaque entreprise et de chaque moment de la journée: depuis le petit-déjeuner jusqu’à l’heure du cigare (!), en passant par la table ou l’univers du spa. Grâce à notre offre unique en son genre, nous avons réussi à convaincre aussi bien des chefs mondialement connus - Franck Giovannini le premier -, que des hôtels d’exception et un public de vrais amateurs.

Toutes les infusions Chanoyu sont cueillies à la main dans de petites fermes en Valais.

Les infusions de Chanoyu sont toutes bio et cueillies à la main dans des fermes, en Valais.

 
16.01.2025 - chez Jürg Stäubli, Prangins propriétaire (Mme Sarah Staübli en noir et la directrice Valérie Peyre en orange de Chanoyou Tea. C'est l'alliance de Madam Sarah Stäubli et d'une maître thé ( Valérie Peyre ). C'est du thé haut de gamme.  Photo © Darrin Vanselow / l’illustre / Gault Millau suisse

La maison suisse Chanoyu propose une cinquantaine de mélanges élaborés par Valérie Peyre avec des thés d'exception des plus meilleurs producteurs.

Et vous, Sarah Stäubli, qui êtes issue du monde du marketing et du luxe, qu’est-ce qui vous a intéressé dans le thé?

Sarah: En effet, je m’intéresse à l’univers du luxe et de la qualité dans son ensemble. Quand mon père, Jürg Stäubli, a lancé Swiss Fair-Trade S.A., une société active dans le domaine du haut de gamme écoresponsable, dont fait partie Chanoyu, j’ai eu l’occasion de rencontrer Valérie. C’est alors que j’ai pris conscience de l’incroyable diversité et de l’excellence que peut offrir le monde du thé. Mais aussi à quel point les consommateurs connaissent mal ce produit et les différences entre un thé d’exception et un breuvage quelconque. J’ai donc relevé le pari de remédier à cela: un travail d’envergure et de longue haleine! 

 

Il n’y a pas si longtemps, la majorité des consommateurs considéraient le thé comme réservé aux malades ou aux grand-mamans arborant des permanentes bleutées. Cette vision a-t-elle changé? 

Valérie: Le thé connaît deux évolutions parallèles. D’une part, il y a le vrai thé de qualité, vendu en vrac pour les amateurs et les aficionados. Il connait un véritable essor. De l’autre, on continue à trouver les thés diffusés par la grande distribution, ceux «pour les malades» (rires) comme vous l’avez dit. Il s’en vend des millions de sachets. Mais aujourd'hui, leurs parts de marché diminuent. Grâce aux petites boutiques spécialisées, qui vendant des thés en vrac, un public de plus en plus large a découvert la subtilité des thés de qualité. Ces connaisseurs et ces épicuriens, également sensibles à l’aspect écoresponsable, ne sont pas prêts à revenir en arrière. Ils s’attendent désormais à retrouver ces thés aussi bien chez eux, qu’en hôtellerie-gastronomie. C’est là que nous avons un rôle à jouer.

16.01.2025 - chez Jürg Stäubli, Prangins propriétaire (Mme Sarah Staübli en noir et la directrice Valérie Peyre en orange de Chanoyou Tea. C'est l'alliance de Madam Sarah Stäubli et d'une maître thé ( Valérie Peyre ). C'est du thé haut de gamme.  Photo © Darrin Vanselow / l’illustre / Gault Millau suisse

Un projet père-fille: Sarah et Jürg Stäubli ont associé leur compétences, elle en marketing, lui en business, pour faire de Chanoyu une entreprise à succès.

Manque de personnel chronique et marges qui s’amenuisent: pensez-vous que l’hôtellerie-restauration peut et veut se donner les moyens de répondre à ces nouvelles attentes?

Sarah: Notre rôle ne se limite pas à la vente de thé. Notre force, c’est que nous nous engageons à accompagner hôteliers et restaurateurs en leur proposant des formations pour les équipes: grâce à cela, certains de nos clients ont vu la demande de thé s’accroître de 20%! Puis, nous élaborons des cartes de thés ciblées, et nous proposons des accords mets-thés. Enfin, nous aidons les chefs et les mixologues à développer des recettes, afin que le thé devienne une signature de chaque établissement. Nous sommes les seuls à offrir cette exclusivité, ce sur-mesure.

 

Et ça marche?

Valérie: Des chefs comme Franck Giovannini, Andreas Caminada, ou Benoît Carcenat nous font confiance. Ils ont adopté nos thés. C’est très motivant pour nous. De même, quant un jeune et ambitieux pâtissier comme Titouan Claudet (ndlr: le «Pâtissier de l’année» 2025 du GaultMillau) élabore des recettes avec nos thés, cela ouvre la voie à de nouvelles perspectives. Car nous ne cherchons pas simplement à créer une marque. Nous voulons établir de vrais partenariats avec nos clients, pour célébrer le thé. D’ailleurs, en japonais, Chanoyu signifie «la célébration du thé».

 

De la boisson à la pâtisserie, il y a un grand pas. Y a-t-il encore d’autres exemples d’applications inattendues comme la création de Titouan Claudet?

Sarah: Oui, il y a par exemple le soufflé en chaud froid élaboré chez Guy Savoy avec un de nos mélanges de thés, le dessert aux fruits rouges servi à l’Hôtel de Ville de Crissier, les asperges au thé épicé Nirwana de Lionel Rodriguez au Baron Tavernier ou le dessert à la poire de Benoît Carcenat. Puis, il y a les cocktails! Le «Magic Christmas», de la cheffe Elodie Manesse, avec du gin, ou le «Wake up» créé à la Réserve. C’est passionnant!

 

Cet univers très raffiné n’est pas pour autant réservé aux grands chefs et directeurs de palace?

Valérie: Au contraire, tous nos produits sont disponibles sur notre site. En un clic, on peut les commander en vrac ou en coffrets de sachets portionnés, en sélectionnant à loisir parmi la cinquantaine de thés et plus d’une dizaine d’infusions suisses.

 

Il est donc exact que les fleurs et les plantes de vos infusions sont bio et proviennent d’alpages suisses?

Valérie: De même que les thés Chanoyu sont sélectionnés chez des producteurs respectant aussi bien la nature que les travailleurs en Inde, en Chine, au Japon, à Taiwan et au Sri Lanka - les cinq meilleurs terroirs -, les fleurs et les plantes de nos infusions sont cueillies à la main, dans des fermes, en Valais. Dans un cas comme dans l’autre, depuis vingt ans, je me suis rendue sur place. Cela m’a permis d’établir un contrat de confiance avec chaque producteur et d’être certaine que nos produits seront élaborés avec les meilleurs produits.

Le talent de la tea master Valérie Peyre lui a permis de créer un thé idéal  pour accompagner un cigare. Désormais, même Jürg Staübli , grand collectionneur de vins, boit du  thé avec son cigare!

Le talent de la tea master Valérie Peyre lui a permis de créer un thé idéal pour accompagner un cigare. Désormais, même Jürg Stäubli, grand collectionneur de vins, boit du thé avec son cigare!

Et c’est vous qui ensuite élaborez les différents mélanges?

Valérie: Oui, il a bien entendu une quinzaine de classiques incontournables, comme l’earl grey ou l’english breakfast, mais auxquels nous tenons à donner un excellent niveau. Puis, il y a les créations. Comme ce thé à la poire que j’ai élaboré pour accompagner les mets au fromage. Ou cette gamme d’infusions au curcuma, au Rooibos ou au piment. Ou encore des mélanges inédits comme l’association menthe, monarde, thym, calendula et ortie. Mais le plus inattendu, c’est sans doute le thé pour accompagner les cigares. Un succès, puisqu’on le trouve déjà dans les fumoirs de La Réserve à Genève, du Bellevue-Palace à Berne, du Royal-Savoy à Lausanne et au club cigare de Franck Giovannini. Désormais, même Jürg Stäubli, pourtant grand collectionneur de vins, boit du thé avec son cigare. Et ça, c’est une vraie victoire!

 

Alors comment voyez-vous l’avenir?

Sarah: Chanoyu et Teabo, notre deuxième société de thés, sont mes bébés! Nous allons tout faire pour les faire grandir. Mon rêve, c’est d’ouvrir des boutiques, d’abord en Suisse, puis de développer ces marques à l’internationale. Il y a encore du pain sur la planche, mais quand je vois ce que nous avons réussi à faire en moins de cinq ans d’efforts conjoints, nous pouvons - mon père, Valérie et moi - être fiers de notre succès et envisager l’avenir avec optimisme.

 

>> Entrepreneur et fin gourmet, Jürg Stäubli a fondé les marques de thé Chanoyu et Teabo en 2019. Sa fille Sarah est la responsable marketing et Valérie Peyre, l'expérimentée tea master. Tous les produits sont décrits sur le site web de Chanoyu: en un clic, on peut commander du thé en vrac ou en petits sachets. Combien de sortes de thés sont-elles proposées? 50! Et de tisanes? Une bonne douzaine, d'origine suisse, pardi. Plus d'infos à propos de Chanoyu Tea