Dernier jour de vendanges. C’est sous un magnifique et chaud soleil automnal que vendredi dernier, Jean-Luc Blondel et son épouse ont coupé les dernières grappes de leur domaine de 7,5 hectares en Lavaux. Des vendanges extrêmement prometteuses, comme toutes celles qui ont suivi la calamiteuse récolte de 2005, décimée par un orage de grêle qui avait haché menu 40% du vignoble de Lutry à Villeneuve. Oubliée également, la dernière grosse attaque de la mouche suzukii remontant à 2014. Efficacement combattu avec du talc, l’insecte n’a en outre pas apprécié les récentes canicules estivales. La quinzaine de vendangeurs, dont la plupart sont logés sur place, a donc le sourire en coupant les dernières grappes de diolinoir et de divico d’un millésime exceptionnel.
Le royaume du chasselas. Sur les 7,5 hectares du Domaine Blondel-Duboux répartis sur les territoires de Villette, Epesses, Calamin, Dézaley et Saint-Saphorin, 85% sont plantés de chasselas. Un cépage qui se vinifie avec une précision d’horloger, selon Jean-Luc Blondel. «Le chasselas se caractérise par une absence d’arôme très marqué par rapport à un sauvignon ou à un viognier. C’est pourquoi sa vinification ne permet pas la moindre erreur qui marquerait irrémédiablement le vin.» Les 15% restants du domaine sont plantés en rouge, avec quelques spécialités comme le diolinoir et le gamaret, sélectionnés pour leur bonne résistance au botrytis, et le divico, peu sensible au mildiou et à l’oïdium. Car pour Jean-Luc Blondel, difficile de faire du bio en Lavaux: «Le principal problème est le coût de la main-d’œuvre. Avec nos vignes escarpées, il est quasiment impossible d’utiliser des machines pour désherber sous les ceps. En plus, nos traitements phytosanitaires nous prennent 45 heures pour 7,5 hectares alors que, sur La Côte, il suffit de 14 heures pour traiter 30 hectares au tracteur. Mais nous pratiquons la protection intégrée, très efficace pour le ver de la vigne.»
Louis succède à Jean-Luc. Né de l’union de Jean-Luc Blondel et Francine Duboux, le domaine viticole repris en 1987 a acquis sa dimension définitive en 2000. Leur fils Louis (le 5e Blondel et le 17e Duboux) reprendra avec sa femme Charlotte officiellement le domaine en 2021. Une transition en douceur, car Jean-Luc Blondel entend bien continuer à épauler son fiston, en particulier dans le secteur de la vente. «Aider mon fils sans avoir la responsabilité du domaine me délivrera du stress et de la pression qui accompagnent tous les vignerons-encaveurs en Lavaux. A part les trois mois d’hiver où j’étais tranquille pour aller skier avec ma femme, tout le reste de l’année, on est sous pression car la vigne est une culture à haut risque, à la merci des moindres aléas climatiques.»
Trouver le financement. Pour Louis, reprendre le domaine paternel – avec le soutien de son épouse Charlotte, une enseignante valaisanne rencontrée sur les pistes de ski – s’apparente à une course d’obstacles: «Le droit agricole étant très complexe, on se retrouve devant une montagne de problèmes administratifs à régler. Il faut estimer correctement la valeur du domaine, la part qui revient à mes deux sœurs et trouver un financement auprès des banques, qui sont plutôt frileuses ces temps. Après, il faut décider si on achète en bloc ou si on loue une partie… Heureusement, les deux générations s’entendent à merveille et tout devrait bien se passer.»
Continuité. Ce passage de témoin ne devrait pas s’accompagner de grands bouleversements dans la production du domaine. Le chasselas continuera à occuper la part du roi avec La Perle, un Epesses faisant partie des vins signatures du domaine aux côtés des Dézaley, Calamin, Saint-Saphorin ou Villette, tandis que le réchauffement climatique devrait pousser Louis Blondel à diversifier encore sa production de rouges avec, peut-être, une syrah. Avec toujours les maîtres mots qui ont fait la réputation du Domaine Blondel: attention, anticipation et patience.