Texte: Siméon Calame I Photos: Siméon Calame et Sedrik Nemeth

Un samedi soir d’hiver. Dans la rue principale de Savièse (VS), la nuit est déjà tombée et il n’y a pas un chat. Mais à travers les brillantes vitres du restaurant «Gilles Varone», j’aperçois de multiples bocaux remplis de toutes sortes de préparations à base de légumes et d’herbes. «Ces conserves colorées sont parfaites pour décorer le restaurant, et lorsqu’on en a besoin, on les utilise en cuisine», me lance Gilles à mon entrée dans son restaurant de poche. Après un café serré, direction la cuisine. Et là, quelle surprise! Deux marches plus bas, elle n’est en fait «pas si grande que ça», comme sourit Valentine Luyet, la sommelière qui maîtrise une carte des vins entièrement helvétique. Je me demande alors comment la brigade parvient à préparer des mets de cette qualité dans un aussi petit espace… Les quatre heures qui suivront me donneront la réponse: grâce à une organisation millimétrée.

Savièse, le 24 septembre 2022, Gilles Varone au restaurant Gilles Varone © Sedrik Nemeth

La façade du restaurant Gilles Varone, dans la rue principale de Savièse.

Savièse, le 24 septembre 2022, Gilles Varone au restaurant Gilles Varone © Sedrik Nemeth

Le chef, tout juste 27 ans et déjà parmi les tout grands.

Une brigade polyglotte. 19h: Valentine Luyet et son auxiliaire Michelle Minestrini accueillent les premiers clients. Par la vitre de la cuisine, je vois les groupes entrer un par un: la salle sera pleine ce soir. En cuisine, Giuseppe Papapicco et Federico Farinelli s’activent et me racontent leur parcours. Tous deux ont fait la connaissance de Gilles au Bibendum de Londres (2 étoiles Michelin). Un Valaisan et deux Italiens rencontrés en Angleterre… en cuisine, ça parle donc anglais. Ainsi fusent les «two trouts», «four mussels» ou «no walnuts on table 2» («deux truites», «quatre moules», «pas de noix à la table 2»). Mais les «gougères» restent francophones et s’envolent fourrées d’une enchanteresse crème au Gruyère et surmontées d’un gel citronné. Je me rêve à table…

Un service chez Gilles Varone

Du pain au levain? Oui, mais fait maison!

Un service chez Gilles Varone

À la pêche au moules moules moules...

Un service chez Gilles Varone

À déposer sur les dumplings et le foie gras: une belle tuile herbacée.

Un pour tous, tous pour un. Mais mon intérêt se porte rapidement au fond de la cuisine, sur la ribambelle de moules que Federico dépose minutieusement sur des tuiles rondes recouvertes de tartare de moule. Lamelles de chou-fleur, salicorne, moules, écume, tuile aux moules, caviar: le dressage va très vite. Je ne sais plus où donner de la tête car le prochain plat est déjà là: les dumplings au bœuf s’unissent à du foie gras poêlé, à un léger tartare et à une mini-crêpe. Il est escorté en salle par un consommé de bœuf et son bouquet d’herbettes. Puis, dans un ballet admirablement coordonné, Gilles et Giuseppe parent les truites saumonées de rondelles de rave, de bourgeons de sapin, de salicorne et de gel au citron. Une danse fluide, rapide et fascinante à regarder depuis la plonge où j’ai élu domicile quelques instants.

Un service chez Gilles Varone

«Dressée à l'arrache pour goûter»: la truite, ses raves et sa sauce hollandaise au miso.

Un service chez Gilles Varone

Le pré-dessert: poire Williams, chili, crème fraîche et Williamine.

En plein coup de feu, les quatre plaques de cuisson ne suffisent pas. Alors le barbecue japonais entre en jeu. C’est dans cet outil précieux que le faux-filet de bœuf rassis termine sa cuisson. J’admire Giuseppe qui manie le bœuf avec adresse, tout en jetant un œil à la purée de pomme de terre dans sa casserole et en vérifiant dans le four la cuisson des choux farcis: admirable. Je n’ose presque plus bouger, de peur de gêner cette brigade en plein bouillonnement. Concentré sur son dressage, Gilles annonce les pré-desserts, dont Federico avait déjà initié le dressage. Poire Williams, chili, crème fraîche et Williamine constituent un petit délice frais et revigorant. Mais rapidement, le chef rejoint son pâtissier pour dresser, ensemble et avec doigté, le savarin à la bergamote, à la réglisse et à l’huile d’olive. Une multitude de gestes dont seule une coordination parfaite peut venir à bout.

 

>> www.gillesvarone.ch