Texte: Siméon Calame | Photos: Darrin Vanselow
«C’est notre mini-Rungis!» Jean-Marc Bessire (17/20), Olivier Jean (16/20), Andres Arocena (15/20)... À Genève, comme ailleurs en Suisse romande, les grands chefs sont nombreux à se fournir en légumes et en fruits chez Léguriviera Groupe. Mais à Carouge, ils bénéficient d’un service que d’autres fournisseurs en Romandie n'offrent pas: un marché où ils peuvent venir… faire leur marché. Une sorte de «mini-Rungis», comme aime l’appeler Patrice Matthey, responsable marketing et communication de Léguriviera Groupe, en référence au gigantesque marché de produits frais de 234 hectares aux portes de Paris. Parmi les plus de 1200 établissements (tables étoilées et brasseries, mais aussi cliniques, universités, écoles…) que livre au quotidien la cinquantaine de livreurs de l’entreprise, rares sont les chefs qui font le trajet vers le marché. Mais un homme y va chaque semaine: l’énergique Yoann Caloué, chef du Café des Banques (15/20) au centre-ville de Genève.
(Photo ci-dessus: Yoann Caloué avec son assiette «retour du marché»)
Une fois les conseils écoutés et les légumes piochés avec David Bourgin...
... Yoann Caloué se met en route pour le Café des Banques.
Plus de 400 variétés différentes. «Lorsque j’officiais encore au Flacon, à 900 mètres de là, j’y allais à vélo, sourit Yoann. Désormais, j’y vais en voiture, mais toujours au minimum une fois par semaine. C’est en découvrant ce que David reçoit comme nouveautés que j’imagine les menus de la semaine suivante» David, c’est David Bourgin, le responsable du marché de Carouge. Déposant quatre caisses d’asperges en provenance de Cavaillon à côté de deux fois plus de cagettes de fraises elles aussi françaises, le lumineux quadragénaire se réjouit de voir arriver ces fruits et légumes printaniers: «Cela fait du bien de retrouver cette fraîcheur, ces saveurs qui (r)appellent l’été, sourit-il. Pour nous qui gérons plus de 400 produits différents, c’est une période chargée car nous devons jongler entre la fin de l’hiver et le début du printemps» Entre les multiples étagères, on retrouve effectivement autant les dernières oranges que les premières fraises. Mais aussi des cacahuètes, des bananes, des courgettes de toutes les couleurs, une multitude de tomates, des potirons, des racines de gingembre, des herbes…
David Bourgin fait attention à chaque détail de chaque caisse qui entre dans la «bijouterie».
Des fraises en mars? Dans son établissement de la Rue de Hesse 6, Yoann Caloué ne s’autoproclame pas chantre de l'ultra-local en toutes circonstances, mais plutôt partisan de produits de qualité et locaux dans la mesure du possible. C’est ainsi que chaque semaine avec l’aide de David Bourgin, il fait un état des lieux de ce qui est disponible. «Je discute beaucoup avec les chefs afin de connaître leurs besoins et leurs envies, précise ce dernier. De mon côté, je leur amène mon expertise pointue et leur fais découvrir de nouveaux produits, à l’instar du «lemon snack», un petit citron que Yoann confit pour apporter de la fraîcheur à ses plats.» Ces petites surprises, il les garde dans la «bijouterie», une petite salle où s’exposent les denrées de gamme supérieure, réservées aux demandes précises des chefs.
Epluchées...
Le printemps dans l’assiette. Cette fois-ci, le chef étoilé n’était pas encore convaincu des fraises françaises, mais les prévoit «tout bientôt» sur sa carte. Après vingt minutes sur place, le voilà qui repart avec une caisse d’asperges blanches, une de petits pois et une barquette de lemon snack. Direction le Café des Banques, où Yoann décline ces ingrédients en une assiette colorée sur laquelle quelques pièces de veau fondantes s’immiscent presque comme accompagnement. Au centre de l’assiette, l’asperge est blanchie puis grillée au binchotan, un grill japonais. Délicatement fondante, elle se vêt d’un gourmand sabayon au yuzu alors que le veau rosé se nappe d’un jus légèrement corsé. Parsemés avec générosité, les petits pois sont croquants et se muent ci et là en crémeux, dialoguant avec les tranches de lemon snack confit. C’est printanier, c’est frais, c’est agréable: on applaudit.
