Texte: Benoit Gaboriaud (GaultMillau France) | Images: Pathé Gaumont (titre), DR
Depuis son invention par Louis et Auguste Lumière en 1895, la gastronomie est présente sur le grand écran, principalement sous forme de tarte à la crème virevoltant jusqu’aux visages de Chaplin ou Laurel et Hardy, mais très vite, les réalisateurs s’y intéressent de manière plus sérieuse, y puisant des sujets historiques, voire politiques. Fin gourmet et militant pour une agriculture biologique, Louis de Funès n’a, tout au long de sa carrière, cessé de marier gastronomie et cinéma. En 1956, il infiltre le marché noir dans «La Traversée de Paris». Dix ans plus tard, le voici à la tête du «Grand Restaurant» à l’époque des Trente Glorieuses pour, la décennie suivante, dénoncer les dérives de l’industrialisation alimentaire dans «L’Aile ou la cuisse».
(Grande photo ci-dessus: une scène du tout récent film «La Passion de Dodin Bouffant»)
Moment d’échanges conviviaux ou houleux, le repas fait souvent office de scènes cultes : le dîner mythique de «Subway» dans lequel Isabelle Adjani fait part d’un franc parlé corrosif et celui de «Trop belle pour toi» magnifié par des plans séquence subtils, évoluant entre passé et présent. Parfois, les réalisateurs y consacrent tout un film, preuve en est dans cette sélection hétéroclites, mêlant tous les genres.
Le plus littéraire: «La Passion de Dodin Bouffant» de Trần Anh Hùng
Juliette Binoche et Benoît Magimel partagent l’affiche de «La Passion de Dodin Bouffant» tiré du célèbre roman de Marcel Rouff, «La Vie et la passion de Dodin-Bouffant gourmet» publié en 1924. Présenté au Festival de Cannes 2023, le film en est reparti avec le Prix de la mise en scène. En termes de gastronomie, Trần Anh Hùng n’en n’est pas à son coup d’essai, le réalisateur français d’origine vietnamienne s’était fait remarquer avec «L'odeur de la papaye verte», César du meilleur premier film en 1994. Aujourd’hui, la cuisine est au cœur de son sujet, il a alors appelé Pierre Gagnaire à la rescousse pour l’épauler en cuisine. Mais ne vous étonnez pas de le croiser à l'écran, le chef y joue également un petit rôle.
>> En salle le 8 novembre 2023
Le plus mignon: «Ratatouille» de Brad Bird
Huitième film d'animation des studios Pixar, «Ratatouille» est encore aujourd’hui considéré comme un de ses meilleurs, en tout cas par les gourmands. Le récit se déroule à Paris. Après quelques péripéties, le héros Remy, un rat forcément, se retrouve dans les cuisines du grand chef Auguste Gusteau, nommé ainsi en hommage à Auguste Escoffier et inspiré de la vie de Bernard Loiseau. D’autres références à la culture française sont notables: Colette Tatou, seule femme cuisinière de la brigade du restaurant, évoque Hélène Darroze et le redoutable critique gastronomique Anton Ego prend les traits du comédien Louis Jouvet. Accès sur la démocratisation de la grande cuisine, «Ratatouille» se révèle être un bouillon de fantaisie subtil, pour petits et grands !
>> En salle le 8 juillet 2007
Le plus acide: «La Grande Bouffe» de Marco Ferreri
Indigeste pour certains, jouissif pour d’autres, «La Grande Bouffe», avec Marcello Mastroianni, Philippe Noiret et Michel Piccoli, a fait scandale lors de sa sortie en 1973, au point d’être interdit aux moins de 18 ans, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cette satire corrosive signée Ferreri se veut être aussi bien une critique virulente de la société de consommation qu’une peinture de la bourgeoisie «bien pensante», soulignant ses vices et ses contradictions. Bien que tous les plats des orgies aient été concoctés par Fauchon, cette farce grinçante risque de vous gâcher l’appétit, mais pourrait bien «raffermir» votre cerveau!
>> En salle le 20 mai 1973
Celui qui sent le plus le terroir: «Le Festin de Babette» de Gabriel Axel
Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1988, «Le Festin de Babette» se déroule au XIXe siècle, dans un petit village luthérien du Jutland, au Danemark, dans lequel Babette (Stéphane Audran) s’est réfugiée pour fuir la guerre civile de la Commune de Paris. Après avoir gagné à la loterie, la jeune femme organise un festin à la française pour douze convives, dont ceux qui l’ont recueillie. A l’unanimité, ils sont bouleversés par sa parfaite maîtrise, mais rien d’étonnant, Babette était dans son autre vie cheffe du Café Anglais. Pour les besoins du film, ce n’est évidemment pas Stéphane Audran mais Jan Cocotte-Pedersen, à cette époque chef du restaurant La Cocotte à Copenhague, qui s’est mis aux fourneaux. Dans la nouvelle dont est tiré le film, l’autrice Karen Blixen ne dévoile aucune recette, le chef a donc redoublé d’imagination pour en inventer à partir des ingrédients, eux bien mentionnés. Ses recettes ont depuis été publiées et rencontrent un franc succès!
>> En salle le 23 mars 1988
Le plus comique: «Le Grand restaurant» de Jacques Besnard
La gastronomie et Louis de Funès: une longue histoire de bon goût. Dans la filmographie culinaire de l’acteur, certains gardent principalement en mémoire «La soupe au choux», qui à bien y regarder est beaucoup plus politique qu’il n’y paraît, mais Louis de Funès s’est illustré dans une dizaine de films ayant un rapport avec la cuisine. Le meilleur? Probablement «Le Grand restaurant» pour lequel il a coécrit le scénario. L’acteur y incarne à merveille M. Septime, patron d'un grand établissement parisien aussi tyrannique avec sa brigade qu’obséquieux avec ses clients. Truffé de rebondissements burlesques, le film offre une vision certes caricaturale du monde de la gastronomie, mais assez juste.
>> En salle en septembre 1966