Texte: David Moginier | Photos: Pontus Wallstén
L’idée a germé. «J’ai fait calculer le bilan carbone de notre domaine viticole, explique Catherine Cruchon, et la bouteille en verre représentait un des facteurs importants, aux alentours d’un tiers.» La jeune vigneronne qui a repris avec ses cousines l’importante entreprise d’Echichens n’est pas la seule à s’inquiéter du changement climatique. «Nous nous posons beaucoup de questions pour l’avenir», avance Lionel Widmer, de la Cave du Signal voisine. «La bouteille est un des domaines où nous pouvons agir.» Avec six autres vignerons, ils ont lancé un projet de bouteilles lavables, histoire d’économiser du CO2 et de l’énergie.
(Grande image ci-dessus: l'équipe qui a lancé le projet. De gauche à droite: Ilona Hunkeler, Catherine Cruchon, Jean-Daniel Porta, Laura Paccot, Noémie Graff, Lionel Widmer et Vincent Chollet)
Le projet est lancé. Avec le soutien financier de l’Etat de Vaud, Bottle Back va tester le concept pour trouver des solutions aux différents problèmes que ce lavage soulève. «C’est vraiment l’idée de tester en grandeur réelle les différents points», raconte Laura Paccot, du Domaine la Colombe, à Féchy. Oui, parce que le pari est aussi nécessaire pour la planète qu’immense. A terme, les initiateurs aimeraient que tout le pays adopte leur bouteille lavable parce que cela sera plus simple à mettre en place, de la fabrication à la collecte des usagés.
85% de gaz à effet de serre en moins. C’est ce que promet le concept. Fabriquer une bouteille, c’est beaucoup de sable et d’énergie, même avec du verre recyclé. Il faut en effet chauffer le verre à 1560° pendant 24 heures, alors que le lavage à 80°C ne dure que vingt minutes. «Même avec du verre recyclé, il faut rajouter 15% de sable à chaque passage, et le sable, deuxième ressource la plus utilisée du monde, va manquer», explique le projet. «On va simplement revenir à ce que faisaient nos grands-parents», s’amuse Lionel Widmer.
La bouteille bourguignonne. Pour faciliter les choses, l’équipe a choisi une bouteille unique, de forme bourguignonne, légère. «Un temps, on croyait que les bouteilles lourdes étaient synonymes de qualité, c’est ridicule», analyse François de Coulon, du Château d’Eclépens. «On avait tous tendance à vouloir personnaliser nos formes de bouteilles selon les vins.» Les étiquettes sont aussi une gageure puisqu’elles doivent s’éliminer facilement à l’eau. Et les colles utilisées doivent être les plus naturelles possibles pour aider au nettoyage. «A terme, les bouteilles pourraient être griffées par les usages répétés, mais on espère que les gens vont apprécier de voir ces marques», avance Noémie Graff, du Satyre, à Begnins.
La collecte simplifiée. Il n’y a pas de consigne sur ces bouteilles, pour simplifier le système. Chaque vigneron va donc collecter une partie des siennes mais sans doute aussi celles d’autres producteurs. Il y gagnera puisqu’il n’aura que le lavage à payer avant la réutilisation. A terme aussi, les initiateurs espèrent installer des postes de collecte dans les déchetteries. Mais il va falloir aussi convaincre autant les privés que les restaurants de stocker séparément ces bouteilles avant de les ramener. «Pour le moment, on ne compte pas récupérer tous les 80 000 flacons du projet. Cela doit vraiment nous servir à l’étude et à résoudre les problèmes», dit Catherine Cruchon.
Les premiers vins. Dix-sept vins de dix producteurs ont été mis en bouteilles. Chacun a choisi ses cuvées, dont pas mal de vins nature qui collent à l’idée durable du projet. Une fois bues et collectées, elles seront lavées par Univerre, à Sierre. «Si le projet s’étend, d’autres unités de lavage pourraient voir le jour», affirme Noémie Graff.