Textes: Siméon Calame | Photos: Julie de Tribolet pour «L'illustré»
Du pain 2.0. En Suisse romande, ils sont des milliers à se lever en pleine nuit, à pétrir, dorer, grigner, bassiner, tresser, mouler, cuire… Peu de consommateurs se rendent compte de la difficulté d’un métier trop peu valorisé. Tout comme l’est le pain qu’ils fabriquent, d’ailleurs. Car, avec du savoir-faire, ce simple «aliment de base» - il suffit d’eau, de sel et de farine pour en faire -, peut devenir un vrai produit d’exception. Aux quatre coins de la Suisse romande, nous en avons retenu vingt et les avons regroupés par cantons: pour commencer, découvrez sept boulangeries vaudoises d’anthologie.
Roulé à la cardamome, le gourmand
Voilà une variante de pain qui vaut le détour. «La cardamome est très connue en Scandinavie, mais peu en Suisse. En m’installant en 2020, je voulais donc mettre en avant cette épice subtile et raffinée.» Tina Heiz, ancienne juriste et fondatrice de la boulangerie Zymi, tutoie l’excellence avec ses différents pains au levain dans son magasin ouvert sur le laboratoire. Le détail qui fait la différence? Elle broie sa cardamome chaque matin et l’utilise ainsi la plus fraîche possible.
Zymi, Avenue de Rumine 8, 1005 Lausanne
(Sur la photo principale)
«Rebelote», le circulaire
«C’est le brasseur Benjamin Stramm qui a eu l’idée de réaliser un pain à la bière», précise le boulanger Christophe Ackermann. Au printemps 2021, il lancé ce pain «circulaire». Car le vieux pain sec de la boulangerie est ici utilisé pour faire de la bière, et les drèches (restes organiques après le brassage de la bière) permettent ensuite de réaliser le «Rebelote». Un cercle vertueux qu’on apprécie.
Ackermann, Route de Lausanne 27, 1422 Les Tuileries-de-Grandson
(Sur la photo principale)
Croissant, le mésestimé
Cette viennoiserie est le deuxième cousin du pain qui mérite le crochet. Thomas Marie, Meilleur Ouvrier de France boulanger et patron associé de la boulangerie Bread Store, juge le croissant très sous-coté: «Notre recette demande trente heures de fabrication et une grande précision, car il faut gérer beaucoup de paramètres. C’est à la fois très simple mais très technique » Pour Thomas, ce produit phare est aussi un beau souvenir, car le croissant était son goûter d’enfance préféré.
Bread Store, trois sites entre Lausanne et Vevey
«L’Amidonnier», le rustique
Depuis presque 15 ans, Cédric Chezeaux et Marc Haller collaborent pour planter (le travail du premier) et transformer (le travail du second) l’amidonnier, une ancienne céréale super-résistante, en un savoureux et délicat pain. «L’amidonnier nous offre des sensations extraordinaires tant par sa beauté que son originalité», détaille Marc Haller, qui se rend les mardis et les samedis au marché d’Yverdon-les-Bains. Notre conseil? Dégustez-le au naturel.
Les Pains de mon chemin, Crêttet 2, 1355 L'Abergement
«L’Engrain», le complet
Ils ont commencé dans leur cuisine juste avant le covid, se sont formés «sur le tas» et ont explosé durant la crise sanitaire: Alex et Julien livrent désormais une trentaine de restaurants avec leurs pains et viennoiseries. Leur «Engrain» est un pain au petit épeautre faible en gluten et à la mie dense. On l’apprécie avec une tranche de jambon cru ou simplement avec une bonne soupe aux légumes.
Le Pain des Frouzes, Ripes 4, 1037 Etagnières
«Bigna», l’élégant
Si sa croûte élancée fait penser à une casquette, c’est que ce couvre-chef a une signification particulière pour le boulanger Adrien Charlet, aux commandes avec son frère Guillaume de l’entreprise familiale. «Thibau, mon meilleur ami qui était bûcheron et très proche de la nature, portait toujours une casquette, précise-t-il. Il est décédé le 1er janvier 2019 et ce pain lui rend hommage.» Bigna? Le surnom de Thibau.
Charlet-Ançay, Place de la Barboleuse 10, 1882 Gryon
«Shokupan», le nuageux
Depuis l’été 2021, Franck Janura travaille dans l’ancienne forge du village d’Eysins, d’où le nom de «Forge à pains». C’est dans un local brut que l’ancien financier accueille ses clients deux fois par semaine et leur propose des pains de campagne, aux fruits, au riz et au sarrasin… et ce pain de mie qui s’effiloche: le «Shokupan». C’est un pain aux origines japonaises que Franck twiste avec un levain de panettone. «Il se rompt et se déguste avec un trait de beurre, ça suffit.»
La Forge à pains, Chemin de la Gare 10, 1262 Eysins