Battle en public. «Les concours suscitent des vocations. En participant, on devient quelqu’un d’autre», lance Esteban Valle, directeur du service du Domaine de Châteauvieux (19/20) à Satigny, Président de l’Association des maîtres d’hôtels et «Hôte de l’année 2024» du GaultMillau. Car l’EHL Hospitality Business School vient justement d’annoncer le lancement d’un nouveau concours: le Trophée de l’Art du Service. Le 16 mars 2024, six finalistes - maîtres d'hôtel, sommeliers, intendants - s’affronteront en public.
(Grande photo ci-dessus: Esteban Valle, directeur du service au Domaine de Châteauvieux, flambe pour la photo)
Le crème de la crème. Pour les départager, un jury de haut vol entourera Esteban Valle: Sarah Benahmed de La Table (17/20) du Lausanne Palace, Diane Blanch du Restaurant Anne-Sophie Pic (18/20) à Lausanne, Adrien De Haller du Bellevue Palace (14/20) à Berne, Caroline Ogi du Casy (13/20) à Crans-Montana, Stefano Petta du restaurant Widder (18/20) à Zurich, et Louis Villeneuve, le célébrissime ex-directeur de salle de l’Hôtel de Ville (19/20) à Crissier. De quoi donner une crédibilité à la première édition de ce concours au sujet duquel nous avons donné la parole à Esteban Valle:
Esteban Valle, n’y a-t-il pas trop de ces concours culinaires?
Dans le domaine des Arts de la Table, il n’y a justement pas grand chose, en tous les cas pas en Suisse. Or pour les jeunes, c’est un ascenseur social, un crédit à vie! Bien entendu que ce qui importe, c’est le vrai métier, au quotidien. Mais être Meilleur ouvrier de France (MOF), par exemple, vous donne une légitimité immédiate et une assise précieuse.
Pour vous, être nommé «Hôte de l’année», ça a changé quelque chose?
J’ai quarante ans de métier et voilà que je gagne ce prix. C’est une forme de couronnement. Mais on voit de plus en plus de jeunes participer à des concours, car les temps ont changés: à présent, ces joutes sont de fantastiques tremplins pour démarrer une carrière.
Concrètement, qu’est-ce que ça change?
A condition d’en faire bon usage, cela permet par exemple de choisir les bonnes maisons. Des établissements où, autrement, on n’entrerait que difficilement. C’est aussi pour ça que je consacre du temps à soutenir des collègues qui s'entraînent pour devenir MOF ou MAF (Meilleur apprenti de France). Bien se préparer est essentiel, car il y a une grande différence entre lire le règlement du concours et découvrir la réalité du terrain.
Mais qu’apprend-on en participant à des concours?
D’abord il y a une émulation. Puis c'est un entraînement forcé, mais aussi une mise en valeur de nos compétences. Ces concours sont des occasions d’échanges, de rencontres, de contacts et de réseautage. Dans certains cas, c’est aussi l’occasion de créer en direct une nouvelle manière de faire, de lancer un tour de main novateur. Même si tout le monde ne peut pas être le champion, c’est donc très utile.
Cela implique une préparation incroyable?
J’ai aidé plusieurs candidats à préparer le MOF, le MAF, le trophée Frédéric Delair, le trophée du Maître d’hôtel, la coupe Georges Baptiste, le trophée Philippe Mille, le championnat d’Espagne et les World Skills. À deux reprises à ce dernier, qui est le championnat du monde, ce sont des Suisses qui ont remporté la première place dans notre domaine. L’effort est considérable, certes, mais ce n’est pas rien! Lancer un nouveau concours en Suisse ne peut donc être que bénéfique pour l’image de la Suisse en général.
Les épreuves d’Arts de la Table, en fait, qu’est-ce que c’est?
C’est vaste! Il y a la réalisation de cocktails, la mise en scène de la table, les filetages et découpes de viandes ou de poissons, les flambages, aussi bien que la décantation du vin. Également la prise de commande et l'argumentation des mets. Et cette fois, il y aura une épreuve surprise. Je ne vous en dis pas plus, mais on pourrait imaginer toutes sortes d'animations, comme courir en portant un plateau. Il ne s’agirait évidemment pas d’une épreuve notée. Mais ce serait un plus spectaculaire pour le public. Celui-ci ne doit en effet pas s’ennuyer, car sa présence et son soutien sont importants.
Ce type de concours est il aussi un moyen de revaloriser les métiers du service?
Bien entendu. Il y a une vraie valeur ajoutée à ne pas simplement transporter des assiettes. En plus, le service bien raconté sublime le plat. Le restaurant, c’est un travail d’équipe. Valoriser la salle revient à valoriser la cuisine.
A l’évidence vous êtes prêt à vous engager pour favoriser de telles épreuves?
Oui, passionné d’histoire et collectionneur de livres liés à la gastronomie, j’ai toujours eu dans un coin de ma tête le projet de lancer un concours rendant hommage à Jacques Vontet, un Fribourgeois d’origine qui a publié en 1640 un ouvrage sur l’art de la découpe.
Cet aspect historique vous tient à cœur?
Oui, car pour durer, il faut regarder en arrière. Alors que pour pour briller, il faut regarder devant. Les deux sont importants.
>> EHL Art of Service Trophy: inscriptions en ligne jusqu’au 17 décembre 2023
Photos: Fred Merz | Lundi13, Restaurant Anne-Sophie Pic, Keystone, Thomas Buchwalder, Lausanne Palace