Texte: Knut Schwander Photos: Valentin Flauraud / VFPIX.COM
Jérôme est une star. On s’était habitué à le retrouver partout. À la télévision, à la radio, dans les magazines, à la Fête des vignerons et, bien entendu, à l’Auberge de l’Onde, à Saint-Saphorin. C’est là que Jérôme Aké Béda, notre «Sommelier de l’année» 2015, se querellait autrefois avec Pierre Keller, virevoltait au quotidien avec des bouteilles introuvables ailleurs et déclamait son amour inconditionnel du chasselas. Mais pourquoi vous raconter tout ça au passé? Parce qu’il y a quelques jours, après la parution du GaultMillau 2024 où l’historique auberge maintient ses 15 points, tous les habitués ont vu sur les réseaux sociaux des images de l'équipe de L’Onde… sans Jérôme Aké Béda. Comme l'hebdomadaire Lausanne-Cités, tout le monde s’est donc immédiatement demandé ce qu’il se passait.
Bruits et chuchotements. Depuis 2021, après le décès de maître Georges Müller, le propriétaire qui avait fait revivre l’auberge, tout le monde se demandait ce qu’il adviendrait de ce lieu emblématique du pays de Vaud. La famille Müller a néanmoins choisi de poursuivre l’aventure en confiant le projet à Christian Marich: «Il fallait mettre en place une gestion plus pointue, adaptée aux nouvelles normes. C’est pourquoi j’ai proposé une direction administrative», explique l’ancien directeur du Beau-Rivage Palace et membre du conseil d’administration de plusieurs structures hôtelières.
Nouvelle directrice. Christian Marich a donc engagé Romina Ferelli. A 48 ans, cette enfant de Saint-Saphorin où son père était vigneron, a toutes les cartes en mains pour coller au poste: deux fois 1ère du canton à l'issue de ses apprentissages de cuisine, puis de service, elle a aussi passé par l’Ecole Hôtelière de Lausanne. Après plusieurs années à l’étranger comme directrice opérationnelle des cliniques esthétiques Matignon, elle a justement choisi de revenir à l’hôtellerie en janvier passé. Le chemin semblait donc tout tracé.
Congé payé. Lorsqu’elle arrive à Saint-Saphorin, début septembre, Jérôme Aké Béda n’y est pas: «On m’a demandé de me mettre en congé payé pour ne pas gêner la prise de fonction de la nouvelle directrice», explique le sommelier. Alors elle s’est mise au travail: «On ne change pas une équipe qui gagne: cette auberge n’est rien sans ses dix collaborateurs. Mais pour mieux développer son potentiel, il faut une organisation plus structurée et une communication moins portée exclusivement sur le vin».
Moins de vin, moins de sommelier. Moins de vin… voilà un changement de paradigme pour les habitués et pour le sommelier de la maison même s’il est titulaire d’un brevet et d’une maîtrise fédérale de chef en restauration: «Jérôme est un sommelier fantastique. Mais dès lors que les tâches de direction sont désormais en d’autres mains, je lui ai proposé de réduire son pourcentage, tout en développant une activité de commerce de vins, explique Christian Marich. Mais il est à présent en arrêt maladie». Jérôme Aké Béda nous a en effet confirmé qu’il préfère attendre son retour pour faire le point.
Disparu des photos et des cartes. Aux yeux de Romina Ferelli, cette auberge ne doit surtout pas être celle d’une seule personne, mais d’une équipe: «Je ne veux pas être sur le devant de la scène, il faut que ce restaurant tourne avec ou sans moi». En attendant, c’est sans Jérôme. Et l’on peut quand même se demander s’il y avait vraiment urgence à remplacer toutes les photos et à supprimer toute référence au sommelier en charge de l’auberge depuis 18 ans, avant même de savoir de quoi l’avenir serait fait.