Propos recueillis par Siméon Calame | Photos: La Cantine du Neubourg

À deux doigts de plonger. Dans un appel aux dons envoyé par WhatsApp à des centaines de ses contacts, Lawrence Bamberger assène des mots forts. Le chef de la Cantine du Neubourg (12/20), à Neuchâtel, en est «au point où je n’ai pas les fonds nécessaires pour lancer la prochaine carte d’automne, ce qui me conduira à devoir fermer définitivement le restaurant dès la semaine prochaine» si la situation ne s’améliore pas. Lawrence reste optimiste, mais dénonce certaines situations. Interview.

 

Lawrence Bamberger, pourquoi appeler à l’aide en début octobre si la situation n’est pas bonne depuis le début de l’année?

Car la situation s’est empirée avec la saison estivale. Avec la météo que nous avons eue, aucun touriste ne venait au centre-ville, et les locaux se sont tous pressés au lac ou à l’étranger. De plus, nous avons fermé pour la première fois trois semaines d’affilée. Ce sont trois semaines où il n’y a eu aucune rentrée d’argent, mais évidemment beaucoup de dépenses.

 

Un seul été ne peut pas vous mettre autant en difficulté. Pourquoi la Cantine est-elle en si mauvaise situation?

Nous avons ouvert deux mois avant le covid. Nous n’avions donc aucun fonds pour parer un minimum aux frais qui allaient se cumuler semaine après semaine. Nous avons donc rouvert en été 2020 avec 200’000 francs de dettes: charges sociales, loyer, énergie… Durant une année, les dettes se sont creusées alors même que nous remboursions environ 18’000 francs chaque mois. En plus de tout le reste. Depuis une année, la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières notamment nous a violemment frappé, ainsi que nos producteurs.

 

Les conséquences du covid sont une chose, mais vous pointez aussi du doigt les consommateurs.

Pointer du doigt est un peu fort, car la hausse des prix touche tout le monde et chacun fait ce qu’il peut. Mais il est vrai que depuis une année, les gens se font moins plaisir. Entre septembre 2022 et septembre 2023, le ticket moyen à la Cantine a baissé de 25% alors que les charges ont augmenté de 25%! Le message que je souhaite faire passer, c’est que même lors d’une période difficile, il ne faut pas arrêter de se faire plaisir. Aller au restaurant est aussi une manière de soutenir des hommes et des femmes qui doivent vivre. Et cela va bien plus loin que les seuls restaurateurs: j’ai derrière moi des agriculteurs, des vignerons, des éleveurs… N’oublions pas que si cette chaîne se casse la figure, c’est tout un pan de l’économie mais aussi du partage festif et de nos habitudes de vie qui sont menacés.

 

Pourquoi opter pour un appel aux dons?

Le restaurant est inscrit au registre du commerce en nom propre. Ce qui signifie que s’il est en faillite, ce ne serait pas une SARL qui plongerait. Ce serait une faillite personnelle. Avec tout ce que cela implique par la suite. Et puisque j’ai été fait dans un moule où l’on n’accepte pas la défaite… je veux me battre.

 

N’aurait-il pas été plus facile de changer de cuisine et de vous mettre aux filets de perches congelés?

Plus facile financièrement peut-être. Mais cela aurait signifié ne plus croire à ma cuisine, à ce que je fais. Sans me jeter des fleurs, à l’instar de plus de 90% de mes clients, je suis convaincu que le concept de la Cantine touche juste, tout le monde repart heureux de son repas chez nous.

 

Et la suite? Vous allez relancer un appel aux dons chaque mois?

Non, si et seulement si mon appel aux dons est un succès, je pourrai relancer la machine. Ensuite, je compte sur les trois derniers mois de l’année, les meilleurs de l’année, pour renflouer un minimum les caisses. Selon le résultat de cet appel aux dons, je serai en mesure de prendre une décision. Dans tous les cas, j’y crois dur comme fer.

 

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