Nous vous l’annoncions en décembre passé, après près d’un demi-siècle de carrière, Claude Legras, Meilleur ouvrier de France, 17/20 au GaultMillau et deux étoiles Michelin, a pris sa retraite. Il a confié les clés de son restaurant à l’un de ses anciens apprentis, Jean-Edern Hurstel. L'énergique chef, la quarantaine éclatante, passé par Top Chef (saison 5), a été formé chez les plus grands noms de la haute gastronomie française: la famille Haeberlin, Alain Senderens, Alain Ducasse (Monaco) ou encore Alain Passard. Il a aussi eu des expériences à l’international, à Dubaï ou à Abou Dhabi notamment, avant de participer à l’ouverture du Peninsula, à Paris, en 2014. En 2018, Jean-Edern lance son propre restaurant parisien: Edern. Rencontre à la veille de l’ouverture officielle de son nouveau bastion genevois.
Comment vous êtes-vous retrouvé ici, au bord du Léman?
Si je suis Alsacien d’origine, j’ai grandi à deux pas d’ici, à Collonge-Bellerive exactement. J’ai été l’apprenti de Claude Legras lorsque j’avais 16 ans, au restaurant du parc des Eaux-Vives. Et ma précédente histoire d’amour était avec une Suissesse. Genève est vraiment ma ville de cœur, revenir ici est un retour aux sources, tout simplement. Quant au Floris, c’est en septembre 2020 que j’ai fait la rencontre de mon actuel partenaire, Lionel Roques, PDG du groupe Franco American, qui m’a proposé d’ouvrir un établissement ensemble. Comme je savais que mon mentor et ami Claude Legras souhaitait partir à la retraite, nous nous sommes lancés. En novembre 2020, c’était signé, nous avons récupéré les lieux en janvier, tout ça s'est fait très vite!
Qu’est-ce que ça fait d’ouvrir un restaurant en plein covid?
Eh bien, ce partenariat avec Lionel, qui a une vision d'investisseur, était plutôt rassurant pour moi. Après, même si cette ouverture n’est pas une première pour moi, vu les restrictions, tout cela était tout de même challenging. En tout cas, je suis positif, après cette période, c’est un peu comme après un deuil, il faut retrouver doucement la joie des moments simples, je pense qu’on va revenir vers cette belle énergie.
Que souhaitez-vous offrir de nouveau au public genevois?
Je veux poursuivre le chemin de Claude, en y ajoutant une touche peut-être un peu plus moderne. Nous avons conceptualisé un restaurant «dans l’air du temps». Le monde de la gastronomie évolue, donc nous nous adaptons. Le nouveau Floris est un lieu hybride, divisé en quatre espaces et autant d’ambiances différentes. Premièrement, nous avons déplacé l’entrée du restaurant, elle fait désormais face au Léman pour l'effet «waouh» et s’ouvre sur notre nouveau bar lounge. Il y a ensuite la Pinte du Floris, dans un esprit chalet, qui propose une carte saisonnière et locavore de plats réconfortants. Vient ensuite le Floris by Jean-Edern, un restaurant plus formel, mais avec une pointe contemporaine et toujours une cuisine pointue et exigeante, aux influences très asiatiques, japonaises en particulier. Je veux aussi que cela soit une cuisine de partage inspirée de l’art de vivre oriental que j’ai retenu de mon passage dans les Emirats. Enfin, il y aura le Jardin du Floris, sur lequel nous somme encore en pleine réflexion.
Quels sont vos espoirs, vos ambitions en tant que chef à Genève?
Le nouveau Floris ne sera plus un restaurant gastronomique à proprement parler. Ici, nous proposons une belle ambiance, de la bonne cuisine et, surtout, bien servie. Le Floris doit devenir un lieu de vie qui accompagne les Genevois tout au long de la semaine, du matin au soir. Nous serons désormais ouverts sept jours sur sept, dès 8 h 30, pour un café, lire un livre, travailler, boire un verre et se restaurer… profiter de l’endroit. Nous allons aussi mettre en place des brunchs le week-end. Et, en juillet, un maître sushi sera présent côté bar. Nous allons créer quelque chose de vraiment sympa! On vend de la gastronomie décomplexée et décontractée, tout simplement. Il faut arriver humblement et s'adapter à la ville et à la mentalité locale. Il nous faudra probablement six mois d’adaptation pour trouver le ton qui convient aux gens d’ici et pour qu’ils nous adoptent, mais je suis prêt.