Texte: Siméon Calame | Photos: Julie de Tribolet
Anciens du Lausanne-Palace. Elle, la chevelure blonde en rapide chignon, virevolte en cuisine, fluette et concentrée. Lui, le sourire ravageur, passe des fourneaux à la salle, tantôt cuisinier tantôt serveur. Lucille Rougeron et William Bouton ont l’air d’accueillir leurs convives depuis longtemps à L'Ancolie, ce petit restaurant des abords de Gryon, tant ils paraissent à l’aise. Mais à 26 et 31 ans, c’est bien leur premier restaurant qu’ils viennent d’ouvrir le 6 décembre dernier. Tous deux cuisiniers, formés chez Michel Rostang (pour elle) et Alain Ducasse (pour lui) notamment, ils se sont rencontrés au Lausanne Palace sous Edgard Bovier. Ils y sont restés sous Franck Pelux jusqu'à fin 2022. Puis, sept mois de voyage en Amérique du Sud font réaliser aux amoureux ce qu’ils souhaitent «le plus au monde»: ouvrir un restaurant. Leur restaurant.
(Grande photo ci-dessus, de g. à d.: Lucille Rougeron, William Bouton et Elina Simon)
Tatin d’oignons à pleurer. Dans cette maison aux petites salles boisées, un élégant mobilier emmène le client dans l’univers du couple, entre modernité assumée et tradition volontairement maintenue. Même ressenti dans l’assiette, et cela dès l’amuse-bouche. Le cromesquis de papet renferme tout ce que l’on aime dans ce plat traditionnel vaudois, mais en plus concentré. Un délice. La carte est garnie de trois entrées, quatre plats et trois desserts, et on résiste difficilement à tout commander. Nimbé d’une gourmandissime sauce aux champignons, l’œuf parfait est crémeux et contraste avec la poignée de croûtons et l’émulsion au cerfeuil. Le petit pâté chaud, au visuel très simple, se déguste avec gourmandise. Et lorsque vient la Tatin d’oignons grelots, on chavire. Une pâte merveilleusement sablée, à la cuisson poussée, soutient des oignons cuits dans une crème frangipane. Légèrement douce et aux multiples textures, cette Tatin est une réussite.
Pain au levain de haute voltige. Au service avec attention, Elina Simon dépose ici un thé froid maison vraiment bon, là un verre de vin local, là encore une nouvelle corbeille de pain. Car oui, le pain au levain est fait maison et se dévore tranche par tranche. Il sauce notamment l’émulsion au cresson, à la saveur herbacée prononcée, qui accompagne ces mignonnes ravioles de persil, pomme et citron. Ou l’intense sauce du porc au barbecue, fondant et accompagné d’une purée de pomme de terre. Les desserts sont un peu en-deçà, la poire pochée et brûlée héritant d’un sublime biscuit sablé et de quelques cuillerées de compote, mais c’est un peu chiche. Un autre dessert honore le sapin de la forêt d’à côté, mais il relève trop peu la crème double dans laquelle il est infusé. La meringue, est elle, furieusement craquante, on en reprendrait. Si L’Ancolie est d’abord une plante sauvage violette et alpine, on la découvre désormais comme table à découvrir absolument!