Photos: Florence Shih
De juriste à grenadine. On dit que les détails font la perfection. On pourrait ajouter que les contrastes, eux, donnent du peps à la vie. Nadia Hirschi aurait pu être mannequin. Elle en a la grâce, la silhouette, et même la bouche ourlée de rouge. Comme après une grenadine industrielle. Elle était juriste, économiste de formation, responsable du marketing dans des grands groupes. Elle est aujourd’hui mijoteuse, dame sirops et artisane. Elle travaillait “machinalement, comme un robot, sans passion et sans âme”. Elle a choisi “d’oser l’égoïsme”. Elle s’est lancée comme entrepreneur, “sans rouler sur l’or, mais pour faire un métier que je peux expliquer à mes enfants”. Le choix des tripes pour un produit qui ravit le palais. En mai dernier, Nadia, 35 ans, mère de deux garçons, 5 et 10 ans, parisienne d’origine devenue Suissesse par amour, pour un homme, le Léman et Lausanne, a lancé les sirops la Suisserie. “C’était comme une évidence”, raconte-elle, convaincue.
Citrons ou coings. Comme une madeleine de Proust lui rappelant les cuvées citron de son papa, l’adepte de méditation, proche de la philosophie bouddhiste, voulait le bon goût de la nature, moins de sucre, pas de colorant, pas d’agent conservateur. L’acide citrique? Un truc de petit joueur! Nadia la puriste rêvait aussi d’un produit plein de bonnes ondes”: “l’inverse de fruits et légumes élevés dans des conditions déplorables par des gens malheureux”. Ses potions du bonheur, la nouvelle artisane les vend au marché, à Lausanne, le samedi, où elle découvre non seulement la solidarité entre agriculteurs mais aussi des produits locaux, son crédo, et des nouvelles inspirations en fonction des arrivages et de la météo. Chaque cuvée tourne autour d’un seul fruit, de saison, citrons du tessin ou kiwis d’Aubonne, fraises en juillet, coings en janvier.
Eau et sucre Epluchés, les fruit macèrent pendant 4 heures avec de l’eau pour en extraire le fructose. Le concentré de fruit est ensuite transformé en sirop. La légende dit que la mijoteuse a mis au point ses potions dans un chaudron en cuivre de 5 litres, cadeau de sa belle-mère. Aujourd’hui les cuvées mijotent lentement dans des casseroles en cuivre de 20 litres, à remuage intégré, dans la cuisine de son appartement familial, devenue atelier. Les bouteilles, siglées d’une étiquette design, création de l’entreprise de son époux, sont consignées: objectif zéro déchet.
Vin chaud ou cocktail Pas question pour Nadia Hirschi, qui produit chaque semaine entre 1000 et 1500 bouteilles, de passer à la vitesse supérieure: ses sirops sont et resteront artisanaux. Et le breuvage, élixir des gourmets, se décline à l’infini. Il se boit au goûter dans de l’eau plate ou pétillante. Il relève des vinaigrettes, donne du relief à des sauces, en salé comme en sucré. La cuvée de décembre, “Sirop de Noël”, est “un délice dans du chasselas chaud”, ou aromatise un chai maison. En cocktail ou en condiment, le sirop est l’ami des chefs. Le prochain qu’elle rêve de mettre au point: son premier sirop à base de plante, l’hivernale violette, pour sa saveur et sa couleur, envoûtante. Celui qu’elle ne fera pas? Le sirop de sureau. “Parce qu’ici, en Suisse, il y a trop de recettes familiales délicieuses pour qu’on s’y risque. C’est une question de respect”.
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La Suisserie
info@la-suisserie.com
Infos
Vente le samedi, au marché de Lausanne de 9h à 14h en-haut de la rue Saint-Laurent et dans certaines épiceries, à Genève, Lausanne, Morges, Sion et Bienne.
Prix
15 francs le flacon de 350 ml. Compter une bouteille pour dix litres de sirop.