Photos: Julie de Tribolet
Unanimes. En vue des repas de Noël et de Nouvel An, nous avons convié trois sommeliers connus et reconnus à partager avec vous leurs découvertes de vins rouges exceptionnels. Pour sortir des sentiers battus, nous leur avons demandé leurs coups de cœur vaudois. Morgane Porchet (Auberge du Raisin, Cully), Florent Bzik (Lausanne Palace & Spa) et Camille Gariglio (Hôtel de Ville, Crissier) se sont prêtés au jeu. Et ils sont unanimes, il y a dans le canton de Vaud des pépites de crus qui méritent leur place sur les tables les plus raffinées.
Six grands crus. Comme le canton regorge de beaux flacons et que nous ne pourrons pas tous les répertorier, nous avons choisi de limiter le choix de nos sommeliers à six magnifiques vins. Qu’ils vous permettent de découvrir la merveilleuse diversité des crus vaudois et qu’ils vous incitent à découvrir à votre tour des vins suisses pour fêter dignement tout en soutenant la viticulture helvétique en plein épanouissement qualitatif, qui n’a souvent rien à envier aux vignoble les plus prestigieux du monde entier.
Le choix de Camille Gariglio, chef sommelier de l’Hôtel de Ville de Crissier (19/20)
Dézaley Rouge 2016, Domaine Louis Bovard, Cully
Produit par un vigneron emblématique qui a l’extraordinaire capacité de toujours se remettre en question et qui s’est beaucoup investi pour le développement de Lavaux, cet assemblage très «Lavaux style» est un vrai vin de garde, mais presque personne n’en a conscience!
Quoi?
C’est un beau vin de gastronomie qui se caractérise par sa finesse, son soyeux, son caractère tendre et rond, mais aussi viril et musqué. Il dévoile un élevage bien présent à l’attaque, un mileu de bouche tendre et épicé, puis il déploie des notes de fruits et des tanins qui forment la colonne vetébrale d’un vrai vin de garde (5-6 ans).
Quand?
En fait, il devrait être acheté puis stocké en prévision de prochaines fêtes, dans quelques années! Ce vin s’acordera à merveille avec une viande rôtie (à la fève tonka, par exemple) ou avec une selle de chamois en voluptueuse sauce grand veneur, de même qu’avec toutes les viandes fondantes auxquelles sa vivacité offrira une parfaite opposition stimulante pour les papilles.
Gamaret Grande Réserve 2016, Domaine des Frères Dutruy, Founex
Voilà un cru qui véhicule une véritable culture du vin véhiculée par les frères Dutruy, dont il intègre la continuelle remise en question et le travail évolutif au fil des ans. Produit sans recours aux produits chimiques, il illustre une prise de risque et un travail méticuleux qui doivent être salués.
Quoi?
Ce gamaret se profile comme un vrai vin de garde, mais il est d’ores et déjà très abouti et peut être bu. On peut cependant attendre encore quelques années avant de le déboucher, car sa structure est prometteuse: après une attaque fraîche et vive, il dévoile un milieu croquant où l’on retrouve le fruit et des tanins mordants.
Quand?
Tout de suite ou dans huit ans, il s’accordera aves les gibiers et les viandes rouges. Mais on pourrait aussi le servir avec de la langouste ou du homard en jus brun, une lotte lardée ou alors un lièvre à la royale, histoire d’agrémenter un milieu de repas festif qui permet ensuite une transition vers un vin plus complexe et puissant.
Le choix de Florent Bzik, chef sommelier du Lausanne Palace & Spa et de la Table d’Edgard (18/20)
Syrah «Cuvée S» 2013, Cave des Rois, famille Grognuz , Saint-Saphorin
Derrière cet habillage or et noir se cache une grande cuvée qui n’est produite que les très bonnes années. Un vin au rapport qualité/prix optimal, mais difficile à trouver. Il y a cependant une autre solution: la deuxième syrah de la maison.
Quoi?
Le nez de cette syrah indique d’emblée sa subtilité. A la maturité du fruit répondent des notes d’épices. Mais attention, c’est un vin qui se réveille à peine et qui mériterait de rester encore en cave, car c’est un vrai vin de garde, sanguin, tanique, puissant, capable de concurrencer un côte-rôtie, par exemple.
Quand?
Pas de précipitation, donc: ce vin sera encore meilleur dans quelque années. Mais d’emblée il donne envie de continuer, à en boire, avec cette fraicheur et cette gourmandise qui le caractérisent. Celles-ci mettront par ailleurs parfaitement en valeur une côte de bœuf cuite sur la braise, et de manière générale, des viandes goûteuses enrobées de matière grasse.
Gamaret «Fructidor 1» 2010, Domaine de la Maison du Moulin, Coinsins
Le gamaret est un cépage encore peu et mal connu. Celui-ci est un essai, produit en biodynamie. Il s’agit là du tout premier millésime élaboré par un vigneron jusqu’au-boutiste. Un vin rare, puisqu’il n’en a fait que deux barriques, dont une neuve.
Quoi?
Sombre, intense et puissant, ce cru se distingue par son côté «terroir», avec une complexité aromatique extraordinaire. Il n’est pas sans rappeler un tempranillo espagnol, tout en puissance, en persistance et en belle acidité. Jeune, il était rustique, mais à présent, il se développe très bien. Très bourguignon, il évoque au fil de la dégustation les meilleurs crus de la vallée du Rhône.
Quand?
Voilà un vin qui offre un magnifique potentiel de garde. Il est proche de certains grands vins de Geverey-Chambertin. On peut donc le boire pour les Fêtes, mais on peut aussi se l’offrir et le garder! A déboucher pour accompagner une viande noble (de la chasse, du chevreuil en cocotte et romarin dont il rappellera les notes de garrigue, par exemple) ou des plats mijotés (de l’agneau ou du cabri en réduction intense).
Le choix de Morgane Porchet, cheffe sommelière de l’Auberge du Raisin, à Cully (14/20)
Pinot noir Dézaley Grand Cru 2016, Blaise Duboux, Epesses
Voilà un très bon pinot noir, qui fait mentir tous ceux qui continuent à penser que Lavaux n’est pas un terroir adéquat pour ce cépage. Blaise Duboux, le vigneron, y est pour beaucoup. Il illustre parfaitement à quel point on sait faire du très bon vin dans cette région.
Quoi?
Ce vin se caractérise par son côté évolutif: discret au début, il révèle ensuite de belles notes de fruits et, petit à petit, des touches épicées. Le toucher de bouche est velouté, avec un côté croquant et soyeux à la fois. Très différent d’un bourgogne, par exemple, il se distingue comme une classe à part.
Quand?
A goûter avec une poularde truffée en sauce périgourdine, une dinde farcie, une viande blanche en sauce intense. Puissant sans être lourd, son côté animal typique du pinot noir donnera également la réplique à des crustacés, à du homard et à de la truffe.
La Réserve Noire 2016, assemblage merlot, cabernet franc, diolinoir, pinot noir, syrah, Château de Glérolles, Saint-Saphorin
Elevé à 70% en barrique, cet assemblage original est magnifiquement vinifié par Grégoire Dubois, qui en a fait un cru emblématique de Lavaux.
Quoi?
Nous avons là un vin à la fois dense et puissant, qui déploie des saveurs de fruits noirs, particulièrement de cassis. Malgré sa puissance, il s’agit d’un cru tendre, tout en équilibre, et qui séduit grâce à ses tanins agréablement souples et ses notes de bois idéalement fondues.
Quand?
Cet assemblage a tout pour bien vieillir. Mais il n’en est pas moins prêt à mettre en valeur des mets festifs. Un pigeon rôti, par exemple, agrémenté d’une sauce du type périgourdine (à la truffe) ou d’un jus aux abats. Il s’harmonisera aussi parfaitement avec la cuisse confite du même oiseau. Ou, mieux encore, un vrai Wellington à l’ancienne nappé d’un opulent jus corsé.