L’Association des Sommeliers de Corse entreprend chaque année un voyage à la découverte d’un terroir viti-vinicole. Cette fois, c’était le tour de la Suisse, de La Côte et de Lavaux en particulier, sur l’invitation de l’Office des Vins Vaudois. Entre bruine pré-printanière et caves ancestrales, ils ont adoré, admiré, bu vins et paroles... Récit.
Course d’école. On aurait pu rêver mieux qu’une bruine glaciale pour accueillir la délégation des Sommeliers de Corse en terre vaudoise. Mais ces hommes et ces femmes à l’accent chantant ne se sont pas laissés démonter par si peu. C’est dans une atmosphère joyeuse de course d’école, blagues et taquineries à l’appui, que leur mini-bus a longé le Léman aux reflets gris sombre ce jour de mars qui n’annonçait pas précisément le printemps.
Première étape: Marcelin. L’Office des Vins Vaudois (OVV) avait bien orchestré l’accueil de ces professionnels de la vigne et de la dégustation, avec trois arrêts. Premier stop: Domaine de la Ville de Morges. Météo oblige, on a zappé la visite des vignobles... pour se concentrer sur les caves. Marc Vicari, le directeur au regard clair et à la diction élégante, puis Philippe Houillon, le chef vigneron aux allures de trublion mais aux connaissances encyclopédiques, ont littéralement tenu en haleine leurs visiteurs en leur présentant les singularités du domaine. En vedette, le servagnin. Vous ne connaissez pas non plus? Normal, ce cépage cousin du pinot noir avait presque disparu. En 1970, il n’en restait plus qu’un cep! Aujourd’hui, il s’épanouit sur les terres d’une poignée de vignerons des hauts de Morges et se décline en crus à la charte très précise. Les palais corses s’en sont délectés.
Deuxième arrêt: Cully. Le programme étant dense, la joyeuse troupe est donc partie direction Lavaux. Sur le coup de midi et demi sonné au clocher de Cully, c’est chez les Frères Dubois que la visite a continué. La cave voutée du Petit Versailles est un bijou, avec ses précieux fûts d’autrefois et ses murs de château fort. Les trois générations de la famille Dubois font un émouvant tableau, avec cette passion héréditaire pour le vin de qualité. Après le salut de Pierre Keller, président de l’OVV, les Dubois ont donc offert à leurs hôtes ébahis, une dégustation sous forme d’accords mets-vins élaborés avec le Jean-Luc Vermorel, le chef du restaurant de La Gare tout proche. Après la Braise d’Enfer 1967 – une rareté ! -, c’est Jérôme Aké, le volubile sommelier de l’Auberge de l’Onde et ambassadeur invétéré du chasselas, qui a exhorté les Corses à chanter. Les hommes se sont levés, on mis la main à l’oreille et entonné des chants polyphoniques... un moment absolument magique!
Coucher de soleil à Aran. Alors que le soleil (qui était enfin apparu) était déjà au déclin, c’est depuis le domaine de Jean-Daniel Porta, à Aran-Villette, que les visiteurs du jour ont véritablement découverts l’émouvante beauté de Lavaux. Eaux scintillantes, montagnes anthracite et paysage structuré par les ceps sombres, c’est un somptueux paysage en noir et blanc qui ébloui l’assistance pendant sa dernière dégustation du jour. Dans le cadre design ouvert sur le Léman tout entier, d’exquis chasselas ont défilé, accompagnés de taillés au greubons et de charcuteries du coin. Alors que la journée touche à sa fin, les invités corses de l’OVV se confondent en remerciements: «Cette région est merveilleuse. C’est sûr, on reviendra!».