Texte: Siméon Calame Photo: Pexels
De la terre au verre. Vous aimez boire un bon vin, mais vous vous demandez comment il est fait? Pour vous, nous sommes allés le demander aux vignerons vaudois. En plein été, découvrez les multiples activités d’Alain et Marc Emery à Aigle et de Michel Pellet à Praz.
Ça pousse! Ah, l’été et sa météo incontrôlable... Les pluies qui ont ravagé les paysages romands ces dernières semaines ont fait du mal aux vignes et aux grappes de raisin qui commencent à grossir. «Dans ces conditions, la grêle nous fait évidemment encore plus peur. Mais à quoi bon se stresser: nous n’avons aucun contrôle dessus...» Marc Emery, vigneron au domaine familial à Aigle, reste philosophe alors que la météo estivale peut être très méchante pour ses vignes. Particulièrement dans cette dernière ligne droite avant les vendanges! Selon les années, les vignerons peuvent perdre jusqu’à un tiers de leur production. Malgré ce risque, les courageux travailleurs doivent quand même s’occuper des ceps, feuilles et premières grappes. Et en période de grandes chaleurs comme c’est le cas actuellement, «la vigne peut monter de neuf ou dix centimètres par jour, continue Marc Emery. Cela veut dire qu’il faut régulièrement rebioler (effeuiller): enlever le rebiot, la repousse. Car elle prend trop d’énergie au reste de la plante, et les feuilles en trop vont capter beaucoup d’humidité, ce qui peut vite amener des maladies.»
Petites feuilles, grosses conséquences. Les maladies, c’est (notamment) l’affaire de la mouche suzukii. Celle qui fait trembler tous les vignerons a quand même un point faible: les courants d’air. Couper une partie des feuilles permet donc aussi de lutter directement contre cette plaie estivale. Mais toute intervention a son revers: effeuiller a des conséquences indirectes sur le vin, car les tannins des raisins rouges s’intensifient avec le soleil. Pour le raisin blanc par contre, trop effeuiller pourrait diminuer le côté fruité aux vins... À la Cave aux Hirondelles à Praz, dans le Vully, l’effeuillage prend un mois entier à deux personnes. Autant dire que Michel Pellet, vigneron et propriétaire, ne doit pas traîner s’il veut pouvoir s’occuper de tout le reste aussi. Par exemple l’herbe, qui fait de l’ombre aux grappes et amène de l’humidité. «Il y a deux options: la faucher ou la coucher, explique Michel Pellet, qui s’est lancé en biodynamie cet hiver. J’ai choisi la seconde, car à long terme, c’est celle qui amène le plus de biodiversité à mes vignes, l’herbe revenant d’une certaine manière au sol.»
Vendanges vertes. Vous pensiez que c’était tout? Eh non! Les malheurs naturels ne sont pas les seuls à diminuer la production: «Nous avons des quotas stricts précisant les quantités maximales de raisin que nous pouvons produire, explique Michel Pellet. Cela signifie qu’environ deux mois avant les vendanges, nous devons couper une certaine quantité de grappes en mûrissement.» On appelle ça les «vendanges vertes», une étape qui permet aussi de donner plus d’énergie, et donc de sucre, aux grappes restantes, et ainsi augmenter leur qualité.
Le show du glacier. La vigne est une chose, mais en été, l’œnotourisme fait partie intégrante de la vie des vignerons. Balades dans les vignes, dégustations à la cave ou simple boutique, chacun y va à sa manière. «Il y a quelques années, nous avons lancé une offre inédite en hélicoptère, raconte Marc Emery. Les clients font une boucle survolant Les Diablerets, les Alpes vaudoises et le vignoble aiglon, en s’arrêtant un moment sur le glacier de Tsanfleuron. Une bonne bouteille et des produits du terroir font parfaitement l’affaire pour une pause gourmande!» C’est notamment cet «Ap[air]o» (son nom) qui a permis aux Emery de décrocher, en 2018, le prix suisse de l’œnotourisme et le Best of Wine Tourism, catégorie «innovation». Comme quoi être vigneron ne se résume pas à cueillir du raisin et couper des feuilles!