Photos: Julie de Tribolet
En début d’année, l’ancien propriétaire du Cerf (18/20), à Cossonay, a remis son restaurant à ses bras droits François Gautier (sommelier) et Romain Dercile (chef). Auparavant accolée au restaurant gastronomique, la brasserie La Fleur de Sel occupe désormais l’entier de l’étage, et même l’extérieur: pour la première fois, une terrasse a été mise en place pour profiter des beaux jours. Cela dit, Carlo Crisci ne s’est pas complètement retiré: il cuisine toujours et profite d’une pause pour nous raconter ses souvenirs…
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la cuisine?
Quand j’étais gamin, mes parents ont tenu plusieurs restaurants. Je voyais comme ils travaillaient très dur et ça ne me faisait absolument pas envie! Mais à 15 ans, il a fallu choisir un apprentissage. Je voulais devenir graphiste, designer, travailler dans la haute couture… Mais c’est mon prof de dessin qui m’a poussé à entamer une formation en cuisine pour m’assurer un avenir économique... si je reprenais le restaurant de mes parents. J’ai détesté cette période d’apprentissage! On arrivait le matin, on faisait ce qui nous incombait de préparer, et on suivait des recettes, c’est tout. Il me manquait l’aspect créatif.
Alors pourquoi continuer dans cette voie?
J’ai profité de mon métier pour apprendre l’allemand: départ à 20 ans pour Strasbourg, puis Bâle, où j’ai rencontré dans une brasserie un chef qui venait de chez Stucki (18/20 à l’époque, 19/20 aujourd’hui avec Tanja Grandits). Il m’a pris sous son aile: il avait compris qu’il pouvait y avoir un «truc» chez moi. C’est là que j’ai découvert la nouvelle cuisine. J’ai compris qu’on pouvait s’amuser avec les produits de saison et que la cuisine n’était pas statique. Je voyais les ingrédients comme des outils, une palette de couleurs. Et ça a commencé à me plaire!
Vous avez donc pu libérer les envies créatrices de vos 15 ans?
Oui, j’ai transformé mon métier pour qu’il me plaise, et il est devenu magique! Puis ça s’est répercuté sur les assiettes, les vestes, les couverts… En 1983, je dessinais mes premières vestes et, en 1984, ma première ligne d’assiettes, qui existe toujours d’ailleurs.
Avez-vous un ingrédient de prédilection?
L’huile d’olive, je suis tombé dedans quand j’étais petit! Ma famille italienne a des oliviers dans la région de Salerne, dans le Sud, d’où je suis originaire. J’aime beaucoup le beurre, mais malgré sa rondeur et tout ce qu’il amène comme gourmandise, je trouve qu’il affadit les plats, alors que l’huile d’olive rehausse le produit, affine les saveurs.
Quelle est votre destination gastronomique de rêve?
L’Italie! La France a une certaine histoire gastronomique et il y a des chefs hors normes, mais pour une gastronomie au quotidien, c’est dans la Botte qu’il faut aller. Là-bas, le meilleur guide est dans la rue: c’est le carabiniero, le policier, quoi! Ils vous indique sans problème une bonne adresse, et ce sont toujours de belles découvertes.
Après trente-sept ans dans le superbe bâtiment du Cerf, auriez-vous une anecdote sympathique sur ce lieu?
Les toilettes. Il y a une trentaine d’années, un journaliste est venu au Cerf pour les classer parmi les plus belles toilettes d’Europe occidentale! Et même après toutes ces années, elles restent uniques avec leurs murs de miroirs.
Toujours dans les anecdotes, vous souvenez-vous d’un client qui vous a énervé?
J’écoute toujours mes clients lorsqu’ils m’adressent des retours constructifs et que je peux faire quelque chose pour y remédier. Mais un soir, un client me crie dessus que je ne sais pas cuire le homard, sans toutefois m’expliquer ce qui ne va pas. Je l’aurais volontiers préparé comme il le souhaitait, mais il ne me le disait pas. Avec un tel esclandre, j’ai dû lui expliquer que le repas allait se terminer là. Je me rappelle que cette situation m’a bien fait réfléchir par la suite…
Dans les moments compliqués ou simplement en vacances, qu’est-ce qui vous fait oublier la cuisine?
En hiver, le ski et, en été, j’aime bien le vélo. Mais c’est un VTT électrique, je ne suis pas un sportif de haut niveau! Depuis que je l’ai, je fais des balades de malade sans avoir peur du retour. J’en ai profité ce printemps durant le semi-confinement, mais j’aurais dû le faire plus…
Avec quel chef auriez-vous aimé travailler?
Michel Guérard, une des figures de la nouvelle cuisine, que je trouve incroyable. Il donne envie de cuisiner, de faire de bons plats avec le sourire. C’est un vrai génie pour moi.
Quel chef aimeriez-vous lire dans cette rubrique?
Jean-Sébastien Ribette, des Ateliers (15/20), à Vevey.
Croissant ou pain au chocolat?
Croissant, mais léger et sans trop de levure.
Café ou thé?
Café. Les origines italiennes qui parlent!
Tarte aux fruits ou au chocolat?
Aux fruits!
Vin rouge ou vin blanc?
Vin rouge.
Fromage ou dessert?
Les deux.
Viande ou poisson?
Hum… les deux aussi.
Disons, gourmand!