Projet fou. Il y a une année et demie, Victor Bavaud, diplômé de l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL) en 2016, ouvrait son charmant Café des Alpes. Un succès couronné illico de 12 points au GaultMillau. Deux ans plus tôt, son projet paraissait pourtant un peu fou. Parce que Gryon, une charmante station des Alpes vaudoises voisine de Villars-sur-Ollon, n’est pas une métropole. Et parce que cet ancien Café des Alpes installé dans un vieux chalet datant de 1721 nécessitait une rénovation complète.
Le pari de la proximité. Mais Victor Bavaud est natif du coin et voulait contribuer à la mise en valeur de sa région. Pour la rénovation, il a lancé un crowdfunding: alors qu’il espérait 50 000 francs, il en a récolté 82 000! De quoi mettre les banques en confiance. Et comme Victor Bavaud sait où il veut aller, il continue sur la même lancée, sans compromis. Les produits, par exemple, il les achète chez les producteurs et fournisseurs de la région: «Je viens de faire une comparaison. En achetant de la viande étrangère, j’y gagnerais facilement 20%, ou plus. Mais la crise actuelle le montre bien, il faut soutenir les producteurs locaux.»
Des viandes merveilleuses. Comme sur la carte du restaurant actuellement fermé, les menus qu’il vend à l’emporter intègrent des viandes merveilleuses: «A Pâques, on avait préparé de l’épaule d’agneau à l’ail des ours, cuite pendant douze heures. La semaine dernière, c’était du tournedos de veau, et prochainement je proposerai du cabri.» Et comme tout ça est invariablement délicieux, il vend jusqu’à 70 menus en un week-end, qu’il livre chaque midi et soir dans le paysage verdoyant des Alpes vaudoises: «Parfois, les clients achètent en plus une bonne bouteille de vin, mais cette situation n’est quand même pas rentable au quotidien. Elle me permet par contre de couvrir une partie des frais. De plus, cela me permet de me faire connaître auprès d’une nouvelle clientèle qui, je l’espère, aura envie de revenir après cette crise.»
Au son des cloches des vaches. Victor Bavaud n’avait pas attendu le Covid-19 pour se fournir exclusivement chez ses bouchers, notamment Jean-Pierre Nicollier à Ollon: «Il s’approvisionne aussi dans la région et fait lui-même ses préparations», explique le jeune entrepreneur enthousiaste, au son des cloches des vaches qui paissent dans les verts pâturages environnants: «Ces vaches vont passer l’été à l’alpage et ce sont aussi elles qui seront proposées au restaurant dès la fin de l’automne.» L’une des spécialités du Café des Alpes, c’est la préparation des différentes parties de la bête entière: «En plus des pièces nobles que les gens choisissent volontiers au restaurant, il y a d’excellents morceaux et des apprêts qui permettent de les mettre en valeur.» Outre les actuels menus saisonniers à l’emporter, Victor Bavaud souhaiterait prochainement lancer une gamme de petits pots gourmands: «Rillettes de viandes, légumes et poissons, du pays bien sûr, mais aussi des sauces mijotées des heures prêtes à l’emploi pour accompagner les viandes grillées à la maison. Des préparations que les gens ne font que rarement eux-mêmes.»
Remise en question. Pour Victor Bavaud, ce confinement est aussi l’occasion d’une remise en question: «Je vais poursuivre sur ma lancée, pousser encore plus loin ma démarche locale en limitant l’offre, pour avoir moins de stock, avec par exemple un menu 3 entrées, 3 plats, 3 desserts, mais en le faisant évoluer tous les quinze jours.» Une évolution qui lui permettra de proposer des viandes plus exclusives de producteurs confidentiels qui ne seraient pas en mesure d’assurer un approvisionnement régulier, parce que leur production n’est pas assez grande. «Ce bœuf Angus du Jorat, par exemple – une délectation! –, que développe mon fournisseur de viande de cerf, François Savary, ou les cabris de la famille Rod aux Posses, le pata negra de Neuchâtel, sans oublier les veaux de races simmental et limousine de la ferme des Bonzon, à Chesières.» On se réjouit déjà de retourner à l'automne au Café des Alpes pour ses préparations de chasse, suisse uniquement. Sur demande, Victor Bavaud et son chef, Ashprim Misini, apprêtent différentes parties du gibier, en fonction de la chasse du pays. Une ode à la viande suisse!