Photos: Pierrot Ayer

Vous avez une longue expérience de chef et de patron derrière vous. A quel événement vous fait penser la situation actuelle?

Il n’y a pas d’événement comparable à celui-là. Exception faite des guerres, c’est une situation sans précédent. Durant toute ma carrière, à savoir quarante-quatre ans de métier, j’ai toujours eu la chance de pouvoir travailler. Cette situation est entièrement nouvelle pour moi.

 

La reprise arrivera nécessairement, mais imaginez-vous déjà maintenant la prochaine carte?

Pas pour l’instant. J’ai pour habitude de vivre le moment présent et d’improviser en fonction des produits de saison. Je songe surtout à ce qui va se passer au sein de la société après le coronavirus, et c’est en fonction de la situation que je puiserai mon inspiration.

 

La brigade du restaurant a commencé à partager ses recettes sur les réseaux sociaux. Comment est venue cette idée?

Cette idée est partie de mon fils Julien, qui travaille avec moi, et de l’un de mes jeunes chefs, P.-P. Ils ont décidé de partager ces recettes afin de rester en contact avec nos clients et amis. L’idée était aussi de donner la possibilité aux gens d’avoir des contacts avec nos fournisseurs, dont nous avons révélé les identités. Cela donne une situation gagnant-gagnant-gagnant, qui ne peut faire que du bien dans une conjoncture comme celle que nous vivons ces temps.

Pérolles Ayer Confiné

Toujours au contact des ses clients, Pierrot Ayer prépare de belles assiettes qu'il partage sur les réseaux sociaux. Avec la recette bien sûr!

Beaucoup de restaurants proposent une offre à l’emporter. Pourquoi pas vous?

J’y ai songé. Mais la santé de nos collaborateurs est primordiale et je ne voulais pas la mettre en danger. De plus, nos infrastructures et notre personnel sont trop importants pour que nous pratiquions la vente à l’emporter.

Personnellement, j’ai distribué dès la fermeture de notre établissement 200 paquets de caramels au personnel des soins intensifs du HFR à Fribourg. Et dans le cadre d’une action du Club des M, à laquelle ont également participé mes collègues et amis Franck Giovannini, Pierrick Suter, Mathieu Bruno et Marie Robert, nous avons préparé, avec le concours de deux collaborateurs, 35 kg de terrine de chevreuil pour les offrir aux hôpitaux de Suisse romande.

 

Votre programme professionnel semble plus léger qu’à l’accoutumée. Devez-vous néanmoins gérer beaucoup de choses pour le restaurant?

Mon fils Julien s’occupe de toutes les questions administratives ainsi que des mesures à prendre concernant le personnel. Je me rends tous les jours au restaurant pour qu’il n’y ait pas de retard, ainsi que pour conserver le contact avec nos fournisseurs au téléphone.

 

Quel est le produit printanier qui vous manquera le plus au restaurant, et pour quelles raisons?

Il y a beaucoup de produits qui vont me manquer, c’est sûr. Mais ce qui me manquera par-dessus tout, c’est le contact avec les gens. Nos fournisseurs (pêcheurs, maraîchers, bouchers) évidemment, mais aussi tous nos fidèles clients qui nous font l’amitié de leur présence durant toute l’année.

 

Personnellement, que faites-vous du temps que vous avez à disposition?

Je me lève aussi tôt qu’avant, ce qui ne m’empêche pas de prendre un peu de repos en allant me coucher plus tôt que d’habitude. Je fais aussi un peu de sport (de la marche, du spinning, etc.) et, chose très rare avant cette période de confinement, je cuisine à la maison!

 

Quelle recette «spéciale confinement» nous proposez-vous?

Je n’ai pas de recette spéciale: le fil rouge important à suivre est, selon moi, la gestion des stocks. Il faut s’efforcer de travailler avec les produits de base que l’on trouve dans son réfrigérateur, tout en veillant à renouveler les réserves. Par exemple, on peut cuisiner une belle potée de lentilles aux poireaux, accompagnée d’un œuf de poule poché. C’est très facile de bien manger sans se compliquer la tâche.

 

Un détail à ajouter, une précision?

Je souhaite que chacun prenne bien soin de lui en cette période difficile. J’espère que ce virus incitera les gens à se rapprocher et à faire preuve de davantage de respect et de moins d’égoïsme.