Sur toutes les terrasses. Et si le gin était en train de se faire une place de choix dans le monde de la gastronomie? A la mode sur toutes les terrasses depuis quelques années déjà, ce spiritueux se fraie un chemin jusque dans la haute gastronomie. Aujourd'hui, les chefs collaborent avec des distilleries pour lancer des gins exclusifs, en incorporent dans leurs recettes, ou imaginent des associations audacieuses. Un privilège dont seuls les vins pouvaient jusqu'ici se targuer. Comment expliquer une telle popularité?
(Grande image ci-dessus: le Gin d'Ei d'Anouck Dann)

 

Révolution du gin. Si le gin s'invite dans les bons restaurants, c'est sans doute parce qu'il n'a jamais été aussi populaire dans les bars et les chaumières. Comme la bière, le gin a connu sa révolution artisanale qui lui a permis un important bond qualitatif. «C'est une boisson qui n'avait pas la meilleure réputation, mais qui a considérablement progressé grâce aux nouveaux producteurs», explique Renaud Meichtry, associé de la Brasserie de Montbenon à Lausanne et auteur du «Bréviaire du gin suisse».

Anouck Dann Gin d'Ei Gin Fest

Anouck Dann a convaincu plusieurs chefs valaisans dont Franck Reynaud. Son Gin d'Ei se trouve également à la Brasserie de Montbenon à Lausanne (ici lors du Gin Fest en 2024).

Gin Fest

Avec ses saveurs herbacées et rafraîchissantes, le gin est parfois proposé en cocktails pour accompagner certains plats.

Saveurs rafraîchissantes. Ex-sommelier au restaurant de l'Hôtel de Ville de Crissier (19/20) et au restaurant Pic au Beau-Rivage Palace (18/20) à Lausanne, co-fondateur de Carte des Vins SA avec un autre ex-sommelier de Crissier, Camille Gariglio, Thibaut Panas estime que le gin a des atouts pour séduire les chefs. «Ses saveurs amères, épicées et rafraîchissantes se fondent mieux dans la gastronomie que celles d'un whisky par exemple». Après avoir été remarqué dans un salon professionnel, le Gin d'Ei d'Anouck Dann a ainsi convaincu plusieurs chefs valaisans. Thibaut Panas note également que bien que l'association entre gins et aliments reste très peu répandu, certains chefs l'utilisent dans des cocktails conçus pour accompagner certains de leurs plats. 

 

Le gin libre. Si le gin s'acoquine avec le monde de la gastronomie, c'est aussi parce que son cahier des charges est assez souple. Fruits, herbes, épices, voire chocolat... On peut ajouter à peu près tout ce qu'on veut dans le gin. Tant qu'il conserve une saveur de genévrier, cela reste considéré comme du gin. De quoi autoriser un large éventail de produits qui trouvent facilement leur place au restaurant.

Voici la capitale mondiale du gin tonic! Fenin Larusée Kinaï

Le cahier des charges du gin est plutôt souple: ici, le Gintiane, un gin avec de la gentiane et de la fève de cacao, produit à la distillerie Larusée à Fenin (NE).

Cuisine au gin. Tout cela fait de ce spiritueux un champ d'expérimentation sans fin. Un peu comme la cuisine, finalement. Le chef Andreas Caminada parfume une simple salade de tomates avec une mousse de tomates, qui marie du gin avec une eau tomatée, vinaigre balsamique, tabasco et crème fraîche. En 2021, Paul Cabayé avait remporté le titre de Cuisinier d'or grâce à un saumon cuit au gin. L'accord avec les poissons se retrouve plus fréquemment, notamment dans un gravlax tel que celui de Philippe Patruno. De son côté, le «Cuisinier de l'année» 2023 Silvio Germann a revisité un grand classique des cocktails au gin, le negroni, grâce à des ingrédients du terroir thurgovien. Nom du breuvage: le Thurgoni, devenu partie intégrante de l'expérience des clients du Mammertsberg, son restaurant noté 18/20, au bord du lac de Constance. «Avec leur palais affiné, les chefs peuvent s'amuser avec les gins», sourit Renaud Meichtry.

Thurgoni Gin Silvio germann

Le chef Silvio Germann a lancé une boisson, le Thurgoni, un negroni revisité avec des ingrédients thurgoviens.

Saumon mariné au gin Paul Cabayé

Le saumon mariné au gin a permis à Paul Cabayé de devenir Cuisinier d'or en 2021.

Gins exclusifs. En Suisse romande, plusieurs chefs ont produit des gins uniques en collaboration avec des producteurs et distilleries. L'automne dernier, Franck Giovannini a présenté un gin élaboré avec l'appui de la distillerie Wanner. «L'idée était de proposer un gin unique pour compléter l'expérience des clients du restaurant», affirme le distillateur Romain Wanner. Sa cuvée Hôtel de Ville réunit «des saveurs herbacées plutôt que d'agrumes selon les souhaits du chef, avec des notes de verveine, mélisse, thym, et romarin». Un an plus tôt, c'était Franck Reynaud (18/20) qui présentait le Tsittoret, un gin conçu avec un ami vigneron. Une autre boisson exclusive, qu'on ne trouve que dans la région de Crans-Montana. 

Gin Crissier Giovannini

Franck Giovannini a voulu mettre au point avec ses sommeliers Charline Pichon et Thibaud Gardette un gin exclusif pour les clients de l'Hôtel de Ville de Crissier.

Gin Crissier Giovannini

La Cuvée Hôtel de Ville réunit surtout des notes herbacées, verveine, mélisse et thym, avec une touche de fraîcheur de citron.

Gin Crissier Giovannini

Romain Wanner a produit ce gin dans la distillerie familiale.

Vin ou gin? Le gin fera-t-il de l'ombre au sacro-saint vin? «Ce n'est pas vraiment dans les mœurs, tempère Renaud Meichtry. Mais il y a aujourd'hui tellement de gins différents que cela pourrait changer». Sans oublier que plusieurs versions sans alcool commencent à se faire connaître et élargissent encore le champ des possibles, pour davantage de choix dans les boissons lors d'un repas.

 

Photos: Distillerie Wanner, Siméon Calame, David Birri, Yaroslav Monchak, Brasserie de Montbenon.


Plus d'actualités & de recettes de grands chefs? Abonnez-vous à la newsletter gratuite du GaultMillau Suisse romande.

 

Je suis