Une sommelière sobre? En novembre 2024, Lise Donier-Meroz n'a pas bu d'alcool. À l'instar du fameux «Dry January», le «Sober November» incite à rester sobre. Et la jeune femme est consciente du rapport particulier qu'elle entretient avec l'alcool, dû à son métier. Alors, elle fait attention. Mais reste que cela peut surprendre, car la Franc-Comtoise est bien… sommelière, au restaurant Gilles Varone (17/20), à Savièse. «Je n'ai pas tout de suite réalisé l'importance de ce côté-ci de mon travail, relève-t-elle. Mais il y a une réelle différence entre la dégustation professionnelle, en crachant, et la personnelle, hédoniste, lors de laquelle je profite pleinement.» Rencontrée autour d'un plat d'aubergines au tofu au Sil'o, ce restaurant thaï situé à deux pas de la gare de Sion, Lise n'éludera aucune question et se penchera avec passion sur son parcours et ses défis à suivre.
Le vin oui, mais pas que. Si les épicuriens helvétiques ont pu découvrir la chevelure blonde de Lise Donier-Meroz pour la première fois en 2021 au restaurant sédunois de Damien Germanier, c'est aux Touristes, à Martigny, qu'elle a explosé. Pour une bonne raison: «J'ai eu la chance de pouvoir accompagner la réouverture de cette table aux côtés de Maël et Christophe [ndlr: Gross et Genetti, les deux chefs à la tête du restaurant noté 16/20], et ainsi de créer une carte de cave de zéro, s'enthousiasme Lise. Nous avons des sensibilités vinicoles similaires, et ils m'ont permis de m'éclater aussi en dehors des vins.» Car pour la sommelière, son métier ne se limite pas au sacro-saint jus de raisin fermenté. En été 2023, la rhubarbe pochée et sa glace au safran des Touristes trouvaient la réplique dans un saké à la fraise, alors que le mariage cerise-réglisse-estragon dialoguait malicieusement avec une bière à la cerise. Ces deux accords, Lise s'en souvient parfaitement.
Amatrice des vins suisses. «Ce printemps, j'ai de nouveau eu la chance de partir presque de zéro, en accompagnant Gilles dans l'ouverture de son nouveau restaurant», continue Lise Donier-Meroz, enchantée du défi que le restaurant de l'enfant de Savièse pose en termes de provenance des vins: quasiment tous (lire ci-dessous) viennent du pays, dont une majorité du Valais. «Les vins suisses offrent une diversité folle, ente complexité, richesse ou encore profondeur, sourit-elle. Quels que soient nos goûts, un vin helvétique nous conviendra.»
Une micro-cuvée de rèze. Alors, lorsqu'elle n'est pas à Savièse, la voilà en route chez Sandrine Caloz à Miège, chez Anne-Claire Schott à Twann (BE), chez Romain Favre à Chippis… C'est chez ce dernier qu'elle a dégusté cette rèze (vin blanc alpin, sec et haut en acidité, rarissime) élevée en amphore dont elle nous parle grand sourire. Un coup de foudre qui lui a donné l'envie de créer sa propre cuvée. «Ce que j'aime dans ce métier, ce sont les rencontres humaines, déclare-t-elle. Lors de ces dégustations, tu ouvres des instants de vie en découvrant celle de ces artisans de la vigne, et tu en crées de nouveaux.»
Surprise dans le CV. À l'écouter raconter «son» Valais viticole, on a de la peine à croire que l'aînée de sa fratrie de trois est arrivée dans ce canton il y a trois ans à peine. Et surtout, qu'elle avait commencé sa vie professionnelle comme comptable et souhaitait continuer dans les ressources humaines. C'est son stage linguistique de six mois, en été 2019, au Restaurant L'Enclume (3 étoiles Michelin à Cartmel, dans le nord de l'Angleterre), qui lui a fait découvrir le monde de la sommellerie.
Au sommet. Lise passe beaucoup de temps avec le chef sommelier du restaurant, qui lui suggère le poste de commise sommelière. Elle accepte et commence en parallèle les cours du WSET (ndlr: Wine & Spirit Education Trust, un organisme international formateur dans le monde du vin et des spiritueux). Aujourd'hui, le WSET complété, elle est sur la liste d'attente pour passer l'examen du Master of Sommelier. «J'attends ce coup de téléphone avec impatience!»
«Féministe, moi? Evidemment.» Au fil du repas, entre deux prises de notes et quelques morceaux de tofu, on passe en revue la playlist musicale de Lise. Et c'est lorsqu'elle évoque ses artistes préférées (Taylor Swift, Lana del Rey, Angèle, Hoshi, Zao de Sagazan) qu'on lui demande si elle se revendique féministe. «Evidemment! Professionnellement, je ne suis pas favorable à instaurer des quotas sur les cartes, mais il se trouve que de plus en plus de vigneronnes élaborent de grands vins, alors je valorise leur travail.» Une conviction forte, qui permet à l'amateur ou à l'amatrice de vin de découvrir des noms - encore - peu connus.
Une rare passion. Lorsque, comme dans toute bonne interview, on aborde la question des passions de l'intéressée, la réponse fuse: l'histoire des différents cépages, les rares en particulier, ainsi que les vins alpins. On sourit lorsqu'elle développe sur l'humagne blanche, raisin d'origine valaisanne dont «on trouve trace dès l'an 1313» dans les Alpes. Une région dans laquelle sont produits de «sublimes vins, autrichiens et slovènes notamment», soutient Lise Donier-Meroz, qui, depuis mi-novembre, en place une poignée à la fin de sa carte ainsi qu'un dans ses accords. Une preuve de confiance de la part de Gilles Varone, envers qui la sommelière est reconnaissante: «C'est une chance extraordinaire de travailler au quotidien avec un chef exigeant qui a autant d'ambition et qui met tout en œuvre pour les atteindre, souffle-t-elle. Gilles me pousse tous les jours à m'améliorer, je lui dois beaucoup.» C'est lorsque l'on s'attable à Savièse et qu'on la laisse nous guider que l'on se rend compte de la facilité et de la passion qu'entretient Lise. Un délicieux moment à vivre.
Le restaurant Gilles Varone à Savièse
Photos: Restaurant Gilles Varone, Darrin Vanselow, Sedrik Nemeth, Julie de Tribolet, Romain Favre