Photos: Ermitage des Ravet
Avec votre longue expérience de chef et de propriétaire d’établissement, à quel événement pouvez-vous comparer la situation actuelle?
A la crise immobilière des années 90. Nous venions d’ouvrir l’Ermitage, et la psychose avait vidé le restaurant du jour au lendemain! Les taux hypothécaires avaient grimpé à 6, voire 8%, mais déjà, nous avions surmonté les événements sans aide étatique.
L’Ermitage a une renommée internationale, mais même avec cette notoriété au faîte de l’excellence, vous faites-vous du souci concernant la reprise, lorsque celle-ci sera possible?
Il y aura sûrement une période de flottement lorsque tout recommencera. Mais les déplacements internationaux seront moindres, et je pense que la «mode» de rester en Suisse, pour être solidaire avec les petits artisans et commerçants, devrait compenser pour 2020.
J’imagine que la carte de printemps tombe à l’eau… Comment faites-vous pour préparer la prochaine en ces temps compliqués?
En termes de produits et de plats, les cartes de printemps et d’été sont relativement proches. Quelques produits auront changé, évidemment, mais celle d’été sera prête pour la reprise! D’ailleurs, je ne l’attends pas avant juin…
Est-ce que vous avez un produit printanier fétiche, un qui vous manquera beaucoup au restaurant?
Je suis un grand fan des asperges! Mais tout autant des pousses d’ortie et des morilles, qui ne seront malheureusement plus là à la réouverture. Heureusement que l’on pourra quand même en déguster chez nous, avec la famille.
Vous devez sûrement gérer beaucoup de choses pour le restaurant?
Heureusement, il n’y a que des problèmes administratifs! Mais nous avons plein d’atouts dans nos manches: trente ans d’expérience, des réserves accumulées, une famille très soudée et solidaire, ainsi que des aides proposées qui nous permettent d’attendre avec sérénité et optimisme.
Vous-même, comment profitez-vous du temps que vous avez maintenant à disposition?
Mettre en pratique l’éloge de la lenteur, en profitant de faire les choses tranquillement. Sinon, je m’occupe de l’entretien de la propriété, un peu de jardinage chaque jour pour garder une activité physique régulière et définie. L’administratif me prend aussi un peu de temps, entre les e-mails, les informations importantes, les nouveautés… Il faut se tenir au courant. Et, à côté de la carte d’été, je prends du temps précieux avec mon épouse, ce qui n’est pas toujours possible d’habitude.
Votre plat «spécial confinement»?
Ces derniers jours, j’ai fait un jarret de porc braisé au miel, accompagné de petits légumes. C’est un plat qui prend un peu de temps à cuisiner, mais ce n’est pas pour me déplaire: j’aime prendre le temps de faire de bonnes choses, d’autant plus lorsque c’est avec des proches.
Au quotidien, cette situation vous est-elle difficile à vivre?
Nous avons la chance d’avoir une grande propriété: le confinement est donc bien plus facile à vivre. Nous l’apprécions et sommes vraiment conscients de ce privilège. La cerise sur le gâteau, ce sont les enfants, qui nous gâtent et nous préservent des possibles contaminations extérieures.
Ce repos forcé vous fait-il réfléchir à une éventuelle retraite? Ou au contraire vous donne-t-il encore plus de motivation?
Ces temps-ci, je me rends compte que le jour (lointain je l’espère) où cela arrivera, je n’aurai pas de peine à le vivre. Notamment grâce à ce confinement, que je vis bien malgré tout: c’est un bon test, effectivement. Je vais continuer d’apprécier le temps qui passe et en profiterai le plus longtemps possible, en restant hyperactif et heureux de vivre, comme le l’ai toujours été.