Match retour à Genève. «Je ne savais pas qu’il y avait une interview», s’amuse Hélène Darroze en entrant dans une des petites salles de séances du Président Wilson, à Genève. Prise sur le vif, la cheffe aux six étoiles Michelin (trois au The Connaught à Londres, deux au Marsan à Paris, une à la Villa La Coste au Puy-Sainte-Réparade) n’a pas perdu pour autant sa bonne humeur, nil’humour dont elle fait preuve chaque mercredi dans l’émission Top Chef. À ses côtés, Danny Khezzar, finaliste de la saison 14 et chef du Bayview (Grandes Tables de Suisse, 18/20). Réunis pour deux repas à quatre mains dans le palace genevois, après le match aller en automne dernier à la Villa La Coste, les deux chefs amis se sont prêtés au jeu de l’interview.
(Grande photo ci-dessus: Danny Khezzar, Hélène Darroze et Michel Roth dans la salle du Bayview)
Hélène Darroze, auriez-vous participé à Top Chef si cette émission avait existé dans votre jeunesse?
Ça m’aurait plu, oui. Mais je pense que je n’aurais pas osé…
Pour quelle raison?
Il y a une telle pression dans ce concours! Il y a les caméras, les journalistes qui vous suivent et vous embêtent tout le long de l’épreuve, puis durant des interviews qui durent des heures… Mais il y a aussi pléthore de chefs multiétoilés, des chefs qui font rêver tous ces jeunes, et devant qui ils doivent cuisiner des plats parfaits. Ajoutez à cela un matériel qu’ils ne connaissent pas, ainsi que la surprise du garde-manger, des épreuves, des autres candidats… Je suis admirative de combien ces jeunes se mettent en danger.
Et pourtant, cela crée de belles amitiés, comme celle que vous entretenez avec Danny Khezzar.
Oui, c’est une des très beaux effets de Top Chef: malgré l’adversité, les candidats se soudent durant le concours et créent des jolies relations. Il y a quelque temps, j’ai organisé un repas avec les candidats de mes brigades précédentes qui ont ouvert leur propre restaurant: c’était un incroyable moment de partage et de souvenirs.
Le weekend dernier, vous avez fait honneur à cette amitié en réalisant un quatre mains au Bayview. Il s’est bien déroulé?
Ce fut un réel bonheur! L’occasion de découvrir le lieu de travail de Danny, de marier nos styles de cuisine dans un seul menu printanier. Il a été galant, car il m’a laissé décider de quels ingrédients et quels plats je voulais cuisiner, avant de choisir les siens.
Danny Khezzar a rencontré Michel Roth lors d’un brunch au Ritz (Paris) à 15 ans. Depuis il a gravi les échelons à ses côtés. Auriez-vous eu envie d’être à la place du chef Roth il y a treize ans?
Ah, qui n’aimerait pas avoir Danny dans sa brigade? Surdoué et bosseur, c’est un élément précieux. Mais je suis heureuse qu’il ait trouvé sa place avec Michel Roth, qui lui apporte énormément. C’est fascinant de voir ce parcours, né d’une simple discussion avec un chef, car de notre côté, on ne se rend pas toujours compte que prendre du temps avec les jeunes peut leur apporter beaucoup.
Vous le couvrez de compliments, il n’a donc pas de défaut?
(Rires) Difficile! S’il faut vraiment en trouver… Danny m’a énervé lors de la finale de Top Chef l’année dernière, car il voulait faire preuve de sa technique, encore une fois, à un moment où sécuriser aurait été une option un peu plus sensée. Cela dit, je le répète: Danny fait preuve d’humanité, de sensibilité, de leadership, de technique, de talent, de rigueur… Il a tout ce qu’un chef doit avoir.
Danny Khezzar, c’est particulier de recevoir de tels compliments de la part d’une cheffe comme Hélène Darroze, non?
C’est juste magique! Ce n’est pas la première fois qu’elle me le dit, mais je suis à chaque fois touché de ses réponses et de ce qu’elle dit à mon égard.
Qu’est-ce qu’Hélène Darroze vous a apporté de plus important?
La cheffe m’a appris à transmettre l’émotion à travers mes plats. C’est quelque chose qui me manquait avant Top Chef. Auparavant, ma cuisine, c’était technique sur technique, sans beaucoup d’âme. Elle a beaucoup changé, même si j’ai encore énormément de choses à apprendre.
Certaines personnes estiment que si Top Chef fait du bien à la profession en la mettant en lumière, l’émission serait aussi délétère, car elle laisserait à penser que l’on peut devenir cuisinier en deux heures. Que leur répondez-vous?
Hélène Darroze: Je n’ai jamais entendu de telles critiques. Au contraire, ce que je retiens de ce type d’émissions, c’est qu’elles soutiennent toute une profession et qu’elles lui apportent beaucoup.
Photos: Siméon Calame, Genève&Communication