À la croisée des métiers. La volaille a beau être la star des tables de Noël, elle n'est pas dénuée d'inconvénients. Qu'elle exige un certain art de la découpe ou que les convives se battent pour l'aile ou la cuisse en sont deux exemples. Que servir d'autre pour éviter ces aléas? Nous avons posé la question à Fabien Pairon, le chef de l'Auberge communale du Mont-sur-Lausanne (14/20). Meilleur ouvrier de France charcutier, l'homme est un maître dans l'art de préparer les viandes. Sa suggestion: un bœuf Wellington, forcément! Avec sa duxelles de champignons, ce filet de bœuf en croûte est un plat à la croisée de la rôtisserie, de la charcuterie et de la pâtisserie, une recette qui résume l'ADN de son univers culinaire, riche en viandes en croûtes, pâtés, pithiviers et autres oreillers de la belle Aurore. (Grande photo ci-dessus: Fabien Pairon, et son pithiviers de cerf façon Wellington).
Spectaculaire. Le bœuf Wellington a toute sa place sur une belle table, pose d'emblée Fabien Pairon: «C'est un plat élégant et spectaculaire, qu'on découpe comme un gâteau, ce qui en fait une vraie pièce de partage, et ça, c'est important lors des fêtes!». Tout l'art de cette recette réside dans la maîtrise de l'humidité: la viande doit être juteuse, mais surtout pas détremper la croûte de pâte feuilletée, qui doit rester bien croustillante. Pour y parvenir, voici les conseils du chef qui vous guideront pour la réalisation de votre recette (on vous conseille de suivre celle du triplement étoilé Gordon Ramsay, qui en a fait son plat signature!)
La veille. Quelle pièce commander à son boucher pour le bœuf Wellington? «Il faut un cœur de filet, ficelé, et sans la pointe», dit Fabien Pairon, pour qui une race Simmental suisse fait parfaitement l'affaire. Comptez environ 120 à 150 grammes par convive. La veille, commencez par saisir la viande à feu vif. Ne la cuisez surtout pas: il suffit de marquer toutes ses faces. Puis assaisonnez-la et placez-la au frais. «Il est important d'avoir des ingrédients bien froids pour préparer cette recette», prévient le chef. Cela permet de faciliter les étapes de roulage à venir.
Tout en finesse Le jour J, préparez la duxelles. Coupez les champignons très, très fin, au couteau ou au robot. Couplée à une cuisson relativement longue, cela évacuera un maximum d'humidité des champignons, composés de 80 à 90% d'eau. «Pensez à ajouter une bonne pincée de sel, qui va extraire encore un peu plus d'eau des champignons», conseille Fabien Pairon. La cuisson doit se poursuivre «jusqu'à évaporation complète de l'eau», insiste le chef. Cela peut prendre une vingtaine de minutes à feu soutenu, et constitue une étape cruciale pour éviter de détremper la croûte. Un peu de persil ou de thym apporteront une touche de fraîcheur en fin de cuisson. Et pour une duxelles encore plus gourmande, on peut également mettre un peu de foie gras, glisse le MOF charcutier. Cela «facilite l'étalage de la duxelles», justifie-t-il. D'accord, chef. Et c'est plus gourmand, aussi.
Crêpes-party. En plus de la duxelles, beaucoup de chefs emballent le filet dans une crêpe. Ce n'est pas obligatoire, mais conseillé pour bien piéger l'humidité de la viande et de la duxelles. Rien de très compliqué, assure Fabien Pairon: «il suffit de faire une pâte à crêpe salée classique, dans laquelle on peut mettre un peu de persil ou de cerfeuil haché». Attention à faire des crêpes bien fines, pensez qu'il y aura une pâte feuilletée! Certains préfèrent d'ailleurs parfois une feuille de brick, encore plus fine. Gordon Ramsay utilise de fines tranches de jambon cru!
Qui roule? Rouler le bœuf Wellington n'est vraiment pas compliqué tant que les ingrédients sont froids. «Posez un film alimentaire sur le plan de travail, explique Fabien Pairon. Déposez la ou les crêpes, en les chevauchant légèrement s'il y en a plusieurs, et étalez une fine couche de duxelles dessus. Puis placez le filet de bœuf déficelé au milieu. Roulez l'ensemble avec le film alimentaire, en veillant à serrer le tout le plus possible». Stockez ensuite au congélateur pendant deux heures, ce qui facilitera le positionnement de la pâte feuilletée, d'après le chef.
Jolie dentelle. Ôtez le film alimentaire du filet refroidi, posez-le sur l'abaisse de pâte feuilletée, et roulez l'ensemble, toujours en serrant le plus possible, ceci afin d'éviter toute poche d'air qui perturberait la cuisson. Fabien Pairon conseille de dorer le tout avec du jaune d'œuf, mais en veillant à bien enlever tout excédent, qui brûlerait dans le four. Replacez ensuite au frigo pendant une heure, pour rigidifier le feuilletage. Si l'on veut, on peut utiliser un rouleau à treillis pour créer une jolie dentelle de pâte à poser par-dessus. Ultime coquetterie du chef: déposer quelques sommités de thym dans le treillis, pour la décoration.
Une sonde, sinon rien. Le plus dur est fait, ne reste plus qu'à cuire votre bœuf Wellington, à 200°C en chaleur tournante. Pas le choix: il faut une sonde pour savoir quand le filet est cuit à la perfection, assure le chef - à raison, puisque la viande est cachée dans la croûte. Vous ne voudriez pas ruiner une pièce si onéreuse, et un si long travail, avec une cuisson aléatoire, si? Fabien Pairon recommande de sortir le filet lorsque la température à cœur atteint 38 à 40°C. Après un repos «équivalent à la moitié du temps de cuisson», la température interne aura atteint environ 50°C - signe d'une viande de bœuf parfaitement saignante d'un bord à l'autre.
La petite sauce. Vous n'avez plus qu'à servir et couper ce magnifique plat à table. Pour de belles tranches, «utilisez un couteau à pain en faisant de longs allers et retours, comme une scie», recommande Fabien Pairon. Et pour les accompagnements? Le bœuf Wellington est un plat complet qui se suffit à lui-même. Mais Fabien Pairon recommande tout de même un jus de viande réduit au porto ou au cognac. La sauce au madère est un autre classique pour ce plat. Et pourquoi pas une poêlée de champignons légère, sans ail, pour ne pas masquer la subtilité du filet de bœuf, propose Fabien Pairon. Sachez enfin que vous pouvez commander, auprès de l'Auberge communale du Mont-sur-Lausanne, le pithiviers de cerf façon Wellington du chef, prêt à cuire, avec sauce et accompagnements. L'option la plus prudente!
Photos: Fabien Pairon, Shutterstock, Baur-au-Lac