Photos: Julie de Tribolet
Vous avez pris les rênes du Beau-Rivage (16/20), à Neuchâtel, en début d’année. Avez-vous déjà trouvé vos marques?
Franchement, oui, je prends mon nouveau poste de chef très à cœur et y trouve beaucoup de plaisir, même si le côté administratif n’est pas le plus rigolo… J’ai enfin pu lancer ma première carte au Beau-Rivage ce début d’été, à la fin du semi-confinement. Ça m’a été difficile de choisir une quantité limitée de plats, car certaines semaines, je pourrais créer une carte par jour ou presque!
Jeune cuisinier des Ardennes, comment en êtes-vous arrivé à travailler en Suisse?
Après moult voyages, je ne voulais plus revenir en France, mais plutôt voir autre chose. Ma compagne, pâtissière, et moi rêvions de partir en Alaska pour travailler, car on aime beaucoup la nature, les espaces immenses et le grand air. Mais le problème avec ces terres où il n’y a rien, c’est qu’il n’y a rien! Nous n’y sommes donc pas allés, mais avons cherché ce qui s’en rapprochait le plus au niveau de l’environnement naturel. C’est comme ça que nous sommes arrivés en Suisse. Et j’ai été engagé à Neuchâtel, à la Maison du Prussien (16/20), chez Jean-Yves Drevet.
Depuis lors, huit ans ont passé. Etes-vous devenu Neuchâtelois?
Lorsque je suis quelque part, je fais tout pour m’intégrer, culinairement et socialement parlant. J’ai aussi besoin et envie de comprendre la cuisine à travers les coutumes locales, les valeurs, les habitants… A partir de là, oui, je pense que je suis devenu un peu Neuchâtelois: c’est en tout cas notre ville de cœur, à ma compagne et à moi.
Est-ce cette curiosité, cette passion de la découverte qui vous a poussé à vous mettre aux fourneaux?
Je pense que oui: mes parents étaient cuisiniers, donc je suis né dedans. Ils m’ont directement jeté dans le bain pour essayer de m’en dégoûter, car ils savaient que c’est un métier difficile. Mais ça a eu l’effet inverse! J’ai alors commencé l’école hôtelière en cuisine, mais cela m’a vite ennuyé… Au bout d’une année, j’ai trouvé une place d’apprentissage au Chat Botté, à Belval, seul restaurant gastronomique proche de chez moi, qui est aujourd’hui fermé. J’ai poursuivi ma formation avec une année de pâtisserie de restauration.
Cette formation à rebondissements, en retenez-vous un souvenir particulier?
Pas spécialement de l’apprentissage, mais de mon enfance en général: j’ai toujours vécu entre restaurant et hôtellerie, avec les employés. J’avais une petite chambre au 3e étage de l’hôtel, à côté des chambres des clients, et la seule cuisine qui existait était celle du restaurant. Si je voulais un café, il fallait que je descende au bar de l’hôtel!
Vous avez travaillé en Ecosse, en Australie, en France… Lors de tous ces voyages, avez-vous pu dénicher la destination gastronomique de vos rêves?
Je ne pense pas avoir une seule destination préférée, car chaque pays a ses secrets. Il y a de chouettes choses à découvrir un peu partout: si j’avais un mois de voyage, j’irais de pays en pays à la découverte des spécialités locales et ne m’en lasserais pas!
Est-ce lors de vos voyages que vous avez découvert vos ingrédients de prédilection?
Ça va faire peur aux gens, mais j’aime énormément l’acidité. Les agrumes, ou tout autre produit qui peut donner un équilibre au plat, le rendre un peu moins lourd. Par exemple une touche de cerise avec du foie gras, qui lui apportera de la fraîcheur. C’est le peps de l’acidité que je recherche, sinon les plats sont… trop plats.
Et dans la vie, qu’est-ce qui vous apporte peps et équilibre?
Je trouve mon équilibre en partant en randonnée en montagne ou à moto. J’aime beaucoup l’adrénaline et la concentration que cela demande: ça se rapproche énormément de ce que l’on recherche en cuisine. Et j’y trouve la même dose de liberté que dans l’imagination de mes assiettes ou des menus.
Si vous ne partez pas en randonnée, quelle est votre routine du matin?
L’administratif! C’est une des responsabilités du chef, et je m’en occupe au tout début de la journée. En général, ma compagne et moi arrivons vers 10 heures et demie et je fais la comptabilité, les commandes… Mon équipe ne travaille pas le matin mais commence la journée avec le service, à 11 heures et demie, puis sans coupure jusqu’au soir. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi faire un horaire coupé, sans avoir vraiment le temps de s’arrêter entre 15 et 17 heures…
Y a-t-il un chef avec qui vous auriez rêvé de travailler?
Pas vraiment… Je n’ai jamais vraiment été fan de qui que ce soit, ni chanteurs, ni artistes, ni chefs. Idolâtrer quelqu’un n’est pas mon truc. Mais j’ai pris énormément de plaisir durant mes huit ans à la Maison du Prussien, avec Jean-Yves Drevet. Il développe une cuisine très osée en termes d’accords aromatiques et il m’a fait découvrir beaucoup de choses. Je ne serais pas allé aussi loin sans être passé chez lui, c’est sûr!
Si vous pouviez lire un chef dans cette rubrique, qui serait-ce?
Pierre Crepaud (ndlr: anciennement LeCrans Hôtel&Spa, à Crans-Montana, 17/20). Je le suis sur Instagram et inversement, mais c’est le seul biais par lequel on se connaît. Nous avons une vision relativement parallèle de la cuisine, assez tournée vers la nature.